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Christian Marclay

PLaurent Perbos
@12 Jan 2008

Christian Marclay expose une installation Shake Rattle and Roll (Flumix) et une série de photographies déchirées d’un défilé en fanfare. A la fois musicien et plasticien, il utilise le son comme matériau de création et cherche à lui donner forme à travers différents médias.

Pour sa première exposition personnelle à la Galerie Yvon Lambert, Christian Marclay nous fait entrer dans un univers sonore particulier. A la fois musicien et plasticien, l’artiste utilise le son comme matériau de création et cherche à lui donner forme à travers différents médias.
Son installation Shake Rattle and Roll (Flumix) et sa nouvelle série de photographies d’un défilé en fanfare cristallisent sans toutefois le figer le bruit du monde qui l’entoure. L’espace investi entre en résonance. Une mélodie d’images s’accroche aux murs pour donner corps à l’impalpable.

Un fragment photographique nous accueille. Son format horizontal qui semble avoir perdu une partie de sa longueur nous indique le sens de circulation à adopter. Notre regard est guidé vers la droite. Un mouvement implicite nous invite à entrer. Les murs sont les supports de cadres qui enferment tous le même type d’images «amputées».

Coupes brutales : les lambeaux de réalité agencés les uns à côté des autres portent les stigmates des déchirures délibérées de l’artiste.

Instants suspendus : la fête nationale américaine du 4 juillet prend des allures de cacophonie silencieuse. Les morceaux d’instruments, de corps de musiciens tronqués ou parfois juste leurs ombres tiennent lieu de compte-rendu.
Le rythme du cortège est souligné par l’accrochage. Les pas cadencés de la parade «mutilée» se superposent aux clichés disposés ça et là comme si ils suivaient l’allure de la marche. Tantôt en haut, tantôt en bas, nos yeux sautent de l’un à l’autre et notre corps pivote pour embrasser l’ensemble de la pièce.
Les écorchures opérées s’exposent avec violence. C’est de l’acte même que provient le bruit. Le silence propre à l’image est une fascination pour l’artiste. Il ne le vit pas pour autant comme une impossibilité à le mettre en musique.
Reportage sourd : ces photographies aphones sont le témoignage d’une manifestation bruyante mais elles portent en elles le paradoxe de leur mutisme.
Christian Marclay devient chef d’orchestre d’une symphonie expérimentale inaudible. Les notes deviennent formes plastiques. Les tonalités surgissent des plaies inscrites dans le papier. Pour lui «la musique est un matériau. La technologie l’a transformé en objet» et une grande partie de son travail «porte sur cet objet autant que sur la musique».
Il joue alors avec la représentation de celle-ci qu’il ne considère pas comme une «réalité tangible» mais qui peut malgré tout se manifester de la sorte. «Ce peut être une illustration, un tableau, un dessin». Il utilise des objets qu’il transforme en symboles de cet immatériel.

D’autres œuvres, plus anciennes, le soulignaient déjà. Lors de l’exposition «Le Temps, vite» au centre Pompidou en janvier 2000, son coussin intitulé Les Beatles est recouvert d’une bande magnétique qui renferme tous les enregistrements des chansons du célèbre groupe. Son utilité première, en tant qu’ustensile propre au repos, voire au sommeil, est remise en question. Le son est emprisonné, emmêlé dans les mailles de cette housse crochetée qui devient inconfortable. L’objet du quotidien devient sculpture par le détournement opéré.

Autre lieu, même discours : son installation Tape Fall nous invite à une expérience simultanée. Un magnétophone diffuse en boucle un enregistrement d’eau clapotante tandis qu’une bande tombe en cascade sur le sol. La vue et l’ouïe entrent dans un rapport de confusion. L’association d’idées devient naturelle, l’artifice mis en place totalement accepté.

Retour dans la grande galerie. Christian Marclay interroge le temps qu’il interprète comme «une mesure, un repère qui ne parle pas seulement de mémoire». Proche des sons «rejetés», ceux auxquels on ne prête pas attention, qu’on cherche même parfois à faire disparaître, il crée une nouvelle mélodie dans son installation Shake Rattle and Roll (Flumix). Une série de postes de télévision disposés en cercle diffusent des vidéos d’objets manipulés par l’artiste avec délicatesse.

Réminiscence : la mise en scène fait revivre les œuvres du mouvement Fluxus et leur donne une nouvelle dimension. Contraintes à l’immobilité dans la collection du Walker Art Center de Minneapolis, elles sont à nouveau mises en mouvement. Les bruits qu’elles émettent de manière aléatoire leur confère un nouveau statut.
Ce deuxième regard artistique porté à des années d’intervalle renouvelle leur existence et les protège de la désuétude. L’alternance de séquences en noir et blanc puis en couleur tisse des liens entre les deux époques, celle des auteurs de ces œuvres et celle de leur relecture.
La vie traverse ces objets et leurs images. Elle les libère de leur potentiel sonore et les fait accéder ainsi, à un sentiment proche de l’immortalité.

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