ART

Christian Curiel, Dino Dinco, Jacin Giordano, Gérald Panighi, Sally Ross, Stefan Sehler, Olivier Sévère

PJuliette Delaporte
@12 Jan 2008

La galerie Baumet-Sultana expose ses artistes: peinture, sculpture, photographie abstraite et vidéo s’allient pour faire détonner l’ordinaire.

Les artistes de la galerie Baumet-Sultana dérangent imperceptiblement, presque secrètement. Peintres, sculpteurs ou photographes, ils invitent à une observation attentive: celui qui s’attarde peut jouir des détails énigmatiques qui parcourent les différentes pièces.

Les trois tableaux de Christian Curiel, nouveau venu à la galerie, se découvrent ainsi en plusieurs temps. Au premier regard, on entrevoit sur ces moyens formats, un univers étrange et fantastique: grâce à une technique mixte combinant l’aquarelle, l’acrylique et le dessin, l’artiste dresse le portrait de curieux adolescents habitant la forêt.

Night Trapper exhibe le visage et le torse mauves d’un garçon farouche et impassible. Dans sa main droite, un renard blanc aux dents acérées, camouflé par des feuillages. Les couleurs irréelles, l’étrangeté de la situation évoquent une bande dessinée d’Heroic Fantasy.

Pourtant il s’agit bien de peinture, et même, de différentes pratiques de la peinture: la gueule féroce de l’animal pris au piège est dessinée minutieusement. Sa langue pendante et rutilante, cachée par des feuilles ciselées imitant les gravures d’un herbier, ressort sur le fond végétal de l’arrière-plan diffus.

Et ce ne sont pas les seuls détails qui captent durablement l’attention du spectateur : au-delà du symbolisme qui s’insinue, certaines caractéristiques morphologiques renvoient à la crudité de l’adolescence ingrate : la main ballante du chasseur est disproportionnée, la bouche effacée de l’attrapeuse d’oiseaux évoque le mutisme qui accompagne parfois cette période trouble de la croissance humaine.

Contre le foisonnement pictural de Christian Curiel, la posture minimaliste du photographe américain Dino Dinco intrigue. Sur deux photographies, des taches lumineuses diffuses jaunes ou bleu néon se détachent d’un fond noir.

Ces compositions rythmiques et abstraites se heurtent à leur désignation très précise : Selfportrait (Benderson) et Selfportrait (Proust) rappellent l’engagement de cet artiste qui s’attache à l’homosexualité, ici à ses figures emblématiques. Le sens échappe au cœur de ces éclatantes nébuleuses.

Dino Dinco se livre-t-il sous des traits inspirés par Proust et Benderson? Ou a-t-on à faire aux écrivains eux-mêmes, incapables de se donner sans s’abstraire dans des images du pur plaisir visuel ? Les images et les titres qui dissonent sollicitent l’imagination du visiteur.

Les sculptures d’Olivier Sévère en témoignent : des porte-savons en marbre s’intitulent En mains propres. Le comique du sens littéral invente un autre regard sur ces objets du quotidien.

À la fin de la visite, de nouveaux horizons se profilent: la face cachée et noire de l’adolescence se révèle, les autoportraits s’abstraient dans des compositions lumineuses et les objets ordinaires ont perdu leur valeur d’usage.

Christian Curiel
— Night Trapper, 2007. Technique mixte sur mylar. 106 x 76 cm.
— Hooded Bird Catcher, 2007. Technique mixte sur mylar. 106 x 76 cm.

Olivier Sévère
— Submersibles, 2006. Bronze. 20 x 15 x 15 cm. Edition de 6 exemplaires. Réalisé par la Monnaie de Paris.
— En mains propres, 2007. Marbre. Série de 8 pièces uniques.

Dino Dinco
— Self-Portrait (Benderson), 2007. Tirage couleur sur papier métallique. 50 x 40 cm.
— Self-Portrait (Proust), 2007. Tirage couleur sur papier métallique. 40 x 50 cm.

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