L’exposition « Littéralement et dans tous les sens » à la galerie Air de Paris réunit cinq jeunes photographes autour d’une exploration des nouvelles possibilités qu’offrent au style documentaire les outils modernes issus du numérique et de la globalisation.
« Littéralement et dans tous les sens » : les nouvelles possibilités de la photo documentaire
Le titre de l’exposition, « Littéralement et dans tous les sens » extrait d’une lettre adressée par Arthur Rimbaud à sa mère, a été choisi par son curateur Bruno Serralongue pour son adéquation au médium photographique. A travers elle sont en effet posés deux aspects caractéristiques de la photographie : elle est littérale, c’est à dire qu’elle enregistre le réel, qu’elle le décrit entièrement, sans imposer de hiérarchie aux éléments qui la composent, en ce sens, elle est par essence du reportage, à l’opposé de la peinture, mais elle est aussi le fruit d’un déplacement « dans tous les sens », vers un terrain choisi par le photographe.
L’exposition réunit les œuvres de Christelle Jornod, Elisa Larvego, Samuel Lecocq, Florent Meng, Mélanie Veuillet, cinq artistes qui ont choisi la photographie comme forme d’expression principale. Cinq photographes qui se sont déplacés vers des territoires spécifiques mais qui, au-delà des caractéristiques qu’ils y ont enregistrées, transmettent une vision plus globale du présent et d’un avenir probable. Leurs œuvres respectives témoignent des nouvelles possibilités du style documentaire et explorent les rapports entre information et fiction.
La photographie, entre information et fiction
Les photographies de Christelle Jornod offrent des images des Alpes d’une puissante beauté, sans que l’on puisse les réduire à cette dimension esthétique. La démarche de la photographe consiste en effet à s’interroger sur la nature de l’image documentaire et sur les limites parfois floues entre le réel et la construction. En photographiant la montagne suisse, elle s’engage dans la photographie de paysage pour souligner combien ce courant de l’histoire de l’art relève aussi de la subjectivité, de l’expérimentation, du jeu formel et même parfois de l’abstraction.
La série Tools of Disobedience de Mélanie Veuillet montre des objets du quotidien fabriqués clandestinement par des détenus suisses et photographiés dans l’enceinte même de prisons. Réalisés à partir de matériaux bruts, ces objets reproduisant les ustensiles utilisés par chacun dans la vie quotidienne libre, révèlent d’impressionnantes compétences et inventivité. Ce travail s’inscrit dans la recherche documentaire de Mélanie Veuillet sur les formes d’organisation humaine, en particulier dans les contextes d’aliénation, de contrôle et de surveillance. Ces notions sont aussi celles abordées par Samuel Lecocq dans sa vidéo Fragility and Obsolescence qui rend compte de l’expérience qu’a constitué le centre de déradicalisation ouvert en septembre 2016 et qui a depuis fermé. La vidéo résulte d’une tentative d’appréhension et de représentation de ce territoire inaccessible aux artistes, à travers une stratégie narrative.