Xu Zhen
Chine Génération Vidéo
La politique, aujourd’hui, en Chine, on s’en fout. Du moins la jeune génération, celle qui a trente ans. La Révolution culturelle ? Connais pas. Le problème, c’est l’identité du jeune Chinois dans le maelström de la mondialisation. Quelle est sa place ? Qui est-il ? Kan Xuan, dans une de ses meilleures vidéos, marche à grands pas rapides dans les couloirs du métro de Pékin et s’appelle elle-même avec véhémence, presque de l’inquiétude, comme si, vraiment, elle se cherchait : « Kan Xuan! Kan Xuan! Hei! » C’était en 1999.
Aujourd’hui regardez du côté de Xu Zhen, l’un des vidéastes les plus doués du moment, qui réalisa sa première vidéo à l’âge de 19 ans et se retrouva à Venise peu après… «On the boat», montre un homme et une femme dans un bateau, cadrés à mi-cuisses en bas, au cou en haut, réduits aux gestes qu’ils accomplissent: sortir d’une braguette un paquet de cigarettes puis, de l’autre braguette, un briquet. Après avoir allumé les cigarettes, la fille sort de sa braguette encore un bâton de rouge à lèvres et, hors champ, se refait une beauté, tandis que le garçon extirpe un autre objet de sa braguette à lui. Tout passe, circule, entre et sort, ici, par la braguette. Façon de dire que tout ça, la consommation, les objets, c’est du «pipi»? Non : il y a, chez Xu Zhen, une volonté très forte d’affirmer que sa génération ne s’occupe plus de politique, n’y fait plus attention. «Du moins, ajoute-t-il malicieusement, à Shanghai, à Pékin peut-être que les artistes ne sont pas dans le même cas.» Alors, cette vidéo? Elle montre une nouvelle façon de vivre, de se comporter. Aberrante peut-être; mais c’est celle d’aujourd’hui.
En rupture avec tout ce qui se dit sur la Chine, voici un art décalé, plein d’humour. Fun. Disons aussi que la seule école enseignant la vidéo n’est apparue qu’en octobre 2003 à Hangzhou, où Zhang Peili, artiste présenté ici avec sa dernière œuvre, dirige sur quatre étages un département multimédia dans cette ultramoderne école des beaux-arts, à deux heures de route à l’est de Shanghai.
Disons que la vidéo, en Chine, on l’apprend sur le tas. Zhu Jia m’a raconté qu’un jour des amis qui se mariaient lui ont fourré dans les mains une caméra vidéo en lui disant : «Toi qui es artiste, tu feras ça bien : filme nous». «Dès que j’ai eu la caméra en mains, ça a été le coup de foudre, le déclic. J’ai compris ce que je pourrais faire avec ça», dit-il.
Kan Xuan l’a appris avec Yang Zhenzhong. Dans les écoles des beaux-arts, en Chine, on apprend la peinture à l’huile, une nouveauté au pays de la peinture à l’encre sur papier due à Mao Zedong, qui imposa le réalisme socialiste en modèle aux artistes chinois pendant des décennies et le réalisme socialiste russe en exemple. Quand Mao meurt, le premier acte de rébellion consiste à monter une exposition de… paysages façon XIXe. Une incongruité inconvenante et provocatrice dans un pays où l’art doit exalter la valeur des paysans, des ouvriers et des soldats. Quand, au milieu des années 80, Huang Yong Ping créa son groupe Xiamen Dada, il ajouta tout de suite « postmodern ». « Nous avions cinquante ans de retard et, en même temps, je voulais montrer que nous étions au courant de ce qui se faisait de plus nouveau », m’a-t-il dit.
La vidéo, pas de problème, est de plain-pied avec ce qui se fait de plus neuf dans le monde d’aujourd’hui. Avec quelque chose en plus : l’élan. Un dynamisme fou.
L’exposition présentée à la MEP est réalisée dans le cadre de l’Année de la Chine en France, organisée en Chine par le Comité d’organisation chinois des Années croisées Chine-France et le Ministère de la Culture et en France par le Commissariat général français des Années croisées France-Chine, le Ministère des Affaires étrangères, le Ministère de la Culture et de la Communication et l’Association française d’action artistique.
Commissaire
Michel Nuridsany
Autour de l’exposition
En complément et en contrepoint de l’exposition est proposée un film chaque samedi et dimanche.