Jean-Pierre Giovanelli
China Food
Avec l’exposition «China Food», Jean-Pierre Giovanelli met en œuvre esthétiquement, avec la poétique qui le caractérise depuis les années 70, ces symboles, ces métaphores, ces archétypes qui représentent d’une manière parfois ironique, parfois amère, la place que la Chine occupe aujourd’hui dans le monde. Le protagoniste de l’exposition est le riz, car les Chinois sont les plus grands et anciens producteurs et consommateurs de riz cultivé dans l’Asie des moussons. Il n’est ni blanc ni noir, mais rouge!
Devant l’installation provocatrice, ironique et sacrale de «China Food» – titre qui laisse entendre que l’Occident pourra devenir la nourriture de la Chine – le spectateur est invité à prendre conscience de la portée du phénomène qui lui est présenté, des conflits qui existent dans un ancien pays communiste asiatique, qui domine aujourd’hui le pouvoir financier de la planète. Un pouvoir qui, tout en ayant accepté comme modèle de référence le capitalisme vintage occidental, d’origine étatsunienne, aujourd’hui en pleine crise, serait en train d’imaginer la manière de créer de nouveaux marchés, en sollicitant toutefois sans cesse le consommateur, au point que celui-ci confond désormais liberté et libérisme, démocratie et despotisme.
Sur son piédestal, le grand et corpulent Bouddha chinois, en fibre de verre opalescente, dénommé «Pu-Tai» ou «Budai», rit en piétinant le drapeau des Etats-Unis entourant une besace pleine d’argent, de riz, de gâteaux, métaphore de l’abondance et du succès: son pouvoir et sa richesse font de lui un triomphateur incontesté. La longue marche (h1,5 x 3 m) entre en résonance avec l’œuvre précédente en instaurant un contraste avec elle: la multitude des soldats survivants qui avance contre l’ennemi y est représentée par des grains de riz qui se colorent progressivement de rouge, un rouge qui est le symbole du Communisme, mais aussi du sang versé; à gauche domine la figure, en noir et blanc, de Mao, coupé en deux verticalement. Underground/Monnaie pour l’Enfer, sur un panneau en bois recouvert de satin peint, représente la monnaie accumulée par un puissant.
Dans la vidéo Mao sings the Blues!, la figure austère de Mao se colore d’une humanité et d’une empathie profondes, en reprenant les notes du spiritual afro-américain Go down, Moses, chanté par Louis Armstrong. L’ironie de cette vidéo se mue par son aspect poétique et solidaire en un contrechant à la violence de l’esclavage et de la guerre. Une autre installation – deux parois, formant un angle, parsemées de riz rouge – met en évidence le célèbre petit livre. Suspendu au-dessus d’un sol doré miroitant, un globe de riz blanc sur lequel apparait, en projection, l’icône représentant Mao. Thank you, Wall Street! est le titre amèrement ironique de cette œuvre constituée d’une urne électorale en plexiglas dans la fente de laquelle est placé un tract bleu clair où «Vote à Madoff» – l’escroc américain auteur d’une des plus grandes fraudes financières, conçue sur le système de Ponzi – est écrit en blanc sur fond rouge; sur le fond de l’urne, un fer à repasser lisse et nettoie, ainsi que le ferait une ménagère diligente, un billet d’un dollar.
Repères biographiques
Né en 1936 à Monaco, Jean-Pierre Giovanelli, architecte, auteur d’installations multimédias, est notamment l’auteur depuis 1977 d’interventions fondées sur son engagement dans l’art sociologique ou dans les groupes liés à l’esthétique de la communication. Dans les années 70, il a appartenu au Collectif d’Art Sociologique, fondé en 1971 à Paris par Hervé Fischer, Fred Forest, Jean-Paul Thenot.
Informations
Lundi-samedi, 14h30-18h30
Vernissage jeudi 5 novembre 2015 Ã 16h
Renseignements: 09 66 89 02 74