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Chiho Aoashima

Traduction Etsuko Nakajima.

Quels sont les thèmes de l’exposition?
Chiho Aoashima . «The Giant and the Courtiseans» est une confrontation entre la Nature et l’Homme. Le thème du géant et de la courtisane puise son inspiration dans l’époque Édo, qui va du XVIIe au XIXe siècles. Cette tradition se nourrit de nombreuses histoires fantastiques. Les monstres sont les personnages que l’on croise beaucoup à cette époque. Le résultat est un écho des maîtres anciens, mais s’il rappelle l’enfer passé, il annonce également les catastrophes naturelles d’aujourd’hui. Cette lutte entre l’Homme et la Nature est présente dan ps les dessins. Parfois elle est même prémonitoire. Avant le Tsunami de l’hiver 2005, certaines de mes œuvres portaient en elles cette vision d’horreur.

D’où vous vient cette fascination pour le morbide?
Chiho Aoashima. L’univers fantastique que je décris met sur le même pied l’horreur et la beauté. Les deux sont très liés. Malgré les mauvais esprits qui hantent mon atelier au Japon, j’y reste attachée car il a une vue imprenable sur le cimetière d’en face.

Pourquoi les femmes sont-elles toujours des victimes dans vos œuvres?
Chiho Aoashima. Ces femmes me ressemblent, c’est plus facile de m’exprimer à travers elles. Au-delà de leur sexe : ces petites filles, ces jeunes filles, ces femmes représentent le genre humain tout entier. Elles sont l’Homme par opposition à la Nature. Si je peins la souffrance de l’Homme, je m’attache surtout à dépasser cet état pénible. La mor t dans mes dessins est un événement heureux, pacificateur. Après les atrocités et les tortures subis, les personnages trouvent enfin la paix dans cet ultime repos.

Vous peignez un monde de cauchemar en rose bonbon, est-ce pour mieux cacher la noirceur des œuvres?
Chiho Aoashima. Ce n’est pas volontaire. Je ne fais pas exprès d’opposer un style kawaï; [mignon] à des visions oniriques cauchemardesques. Rien n’est intentionnel, mais cette touche me permet de creuser de plus en plus la cruauté du monde.

Pourquoi centrer votre travail sur le dessin aujourd’hui?
Chiho Aoashima. Mon atelier au Japon était très petit. Il était difficile de produire des œuvres graphiques de grandes dimensions. Lors de ma première résidence à l’étranger, j’ ai eu besoin de m’exprimer à travers d’autres moyens que l’ordinateur. C’est à Dallas, aux États-Unis, que j’ai eu le déclic. Je ne parlais pas très bien l’anglais, et j’avais du mal à m’exprimer devant mon écran. Je voulais expérimenter les lieux, utiliser l’espace, intégrer mon corps à ma production. Le dessin m’est apparu comme le médium approprié à ce type de recherche. J’ai pris davantage confiance en moi à la suite d’une exposition où j’ai complètement recouvert un mur de dessins. J’ai continué dans cette voie et multiplié les travaux de grande dimension.

Il y a de nombreuses collaborations techniques dans cette exposition?
Chiho Aoashima. Pour les techniques traditionnelles comme les feuilles d’or, des spécialistes sont venus avec leur expérience et leurs techniques. Ce sont des Trésors Nationaux, l’équivalent de vos maîtres artisan s, qui ont apporté cette aide. Pour les sculptures de nombreux techniciens ont collaboré. La difficulté de cette entreprise réside dans les articulations et le soin apporté aux détails. Tous les membres sont mobiles et nécessitent le concours de beaucoup de compétences. Chaque nouveau modèle s’améliore, se perfectionne. Auparavant les yeux étaient peints, cette fois-ci c’est de la résine qui a été utilisée pour renforcer la profondeur du regard. Les kimonos font aussi appel à un savoir-faire particulier. Les motifs, les couleurs sont soigneusement étudiés par des personnes compétentes.

Quel rôle occupiez-vous auprès de Takeshi Murakami?
Chiho Aoashima. Je faisais partie de l’équipe design de Takeshi Murakami. Elle est composée de cinq personnes. Notre travail consistait à modéliser et à numériser les croquis des peinture s afin de préparer le terrain pour la réalisation finale. C’est un stade assez important dans le processus de création. Il permet d’appréhender la future œuvre. Grâce à l’informatique nous réalisions plusieurs versions d’une même pièce. Même si je fais des expositions personnelles, je continue à travailler dans l’atelier. J’utilise le savoir-faire de l’équipe pour mes propres œuvres, comme pour les sculptures. Leur procédé de fabrication est identique à celui de Takeshi Murakami.

Pourquoi déclinez-vous en plusieurs coloris une même pièce?
Chiho Aoashima. Si vous regardez attentivement chaque tableau d’une même série, il se distingue des autres. Ce travail d’illustration est très complexe, il prend énormément de temps. Il me permet de m’exercer et fonctionne comme une gymnastique au quotidien.

Allez-vous continuer à faire des sculptures?
Chiho Aoashima. J’aimerais beaucoup, mais pour cela il faut s’entourer de nombreux partenaires financiers capables de soutenir ce type de projets ambitieux et coûteux.

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