Communiqué de presse
Delphine Reist
Chiens de fusils
Chiens de fusils (2008), l’œuvre présentée à Triple V, est une variation de l’une des installations montrées par Delphine Reist cette année au festival Le Printemps de Septembre, à Toulouse. Elle est composée de neuf fusils montés sur des trépieds et équipés de capteurs sensoriels. Les armes suivent ainsi automatiquement le déplacement des visiteurs, et réagissent aux mouvements les-uns-des-autres. L’aspect inquiétant de l’installation renvoie à une classe d’objets en pleine expansion: les dispositifs de contrôle comme les caméras de surveillance, les portiques électroniques, les drones… Ce sont des sculptures cinétiques de l’ère des sociétés de contrôle. Mus par eux-mêmes, les fusils paraissent avoir conquis leur autonomie en tant que sculptures, d’une façon parfaitement littérale.
Les machines ont-elles besoin de nous sinon pour assurer leur reproduction ? Dans « Le livre des machines » (in Erewhon, 1872), Samuel Butler avançait cette hypothèse que les êtres humains sont les organes reproducteurs externalisés des machines, comme le bourdon l’est pour les plantes. Si Chiens de fusils est une installation inquiétante, c’est aussi pour cette raison — parce qu’elle contrarie cette idée que nous contrôlons les machines, que nous en sommes la conscience. Mais ici, comme dans d’autres travaux antérieurs de Delphine Reist, les machines s’animent toutes seules, comme des corps en dehors du contrôle de la raison pendant le sommeil ou une crise d’épilepsie. L’automatisme psychique rejoint l’automation dans l’image d’un inconscient machinique, et nous renvoie à notre propre limitation à être libres, à agir consciemment et volontairement. Sommes-nous si sûrs de contrôler nos prothèses — prolongements de l’œil, du bras, du système nerveux—, et non d’être contrôlés par elles ?