Soufiane Ababri, Vito Acconci, Boris Achour, Bas Jan Ader, Stéphane Albert, Dove Allouche, Carlos Amorales, David Ancelin, Kader Attia, Fayçal Baghriche, Gilles Barbier, …
Chercher le garçon
L’exposition «Chercher le garçon» réunit une centaine d’artistes mâles qui, d’une manière ou d’une autre, interrogent et déstabilisent les modèles établis. Rejetant tout autoritarisme, questionnant les valeurs traditionnellement associées à la masculinité (efficacité, autorité, héroïsme, conquête, force, etc.), les œuvres rassemblées proposent toutes des stratégies de résistance et de redéfinition du paradigme masculin. Le masculin y est mis en questions dans toute sa plasticité.
L’anthropologie nous a appris que la différence minimale et irréductible entre le mâle et la femelle tient dans les différentes places occupées dans la chaîne de procréation. Le reste est construction sociale, ancré et dépendant des lieux, des époques, des cultures.
Privilégiant la lenteur, la chute, l’échec, l’invisible, jouant des codes de représentation de l’idéal masculin qui selon George L. Mosse «imprègne toute la culture occidentale», mettant en crise toute une histoire utopique et moderniste de l’art, questionnant ainsi les place et fonction de l’artiste, ces œuvres font bégayer l’histoire de l’art, et se situent plutôt du côté du mineur (Gilles Deleuze) et des révolutions moléculaires chères à Félix Guattari.
L’exposition développe une approche tournée vers des artistes et des œuvres que l’on peut appréhender à partir des théories et postures féministes depuis les années 1960. Ou comment le féminisme, envisagé comme une entreprise de déconstruction des systèmes de domination de tous ordres, irrigue la création contemporaine dans une perspective nécessaire d’ancrage de l’art dans un espace de réflexion et d’analyse du réel contemporain.
Dans son introduction à l’ouvrage de Carla Lonzi, Autoportrait (1969, JRP/Ringier 2013), Giovanna Zapperi formule l’apport des études féministes à l’histoire de l’art comme le passage de «l’énoncé d’un moi autoritaire à l’expression d’un sujet multiple et fragmenté». Elle poursuit: «Produire de la connaissance à partir de l’expérience subjective est un des traits distinctifs des pratiques féministes.» qui s’ancre dans «le récit de soi, la primauté de la subjectivité et le plaisir de la conversation».
Les œuvres ici rassemblées ressortent de cette dynamique: les artistes s’y expriment à la première personne du singulier, prenant en charge la narration de leurs propres subjectivités. Car, comme l’écrit Virginie Despentes: «Le féminisme est une révolution, pas un réaménagement des consignes marketing […]. Le féminisme est une aventure collective, pour les femmes, pour les hommes, et pour les autres. Une révolution, bien en marche. Une vision du monde, un choix. Il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l’air. » (Virginie Despentes, King Kong Theory, Grasset, 2006, p. 156).
Si l’on considère le féminisme comme entreprise théorique et pratique de résistance à toute forme de domination, si l’on considère que le patriarcat et la masculinité hégémonique sont des formes idéologiques à combattre, alors, il semble important et urgent de se questionner sur le masculin. De le déconstruire. Et d’ouvrir un espace où les hommes parleraient d’eux-mêmes et de leur condition, en toute conscience.
Il ne s’agit pas, bien évidemment, de régler la question — l’exposition est partielle, partiale et subjective, mais, bien au contraire, d’amorcer une réflexion que l’on espère fertile. L’exposition se veut plurivoque, voire même contradictoire. Les œuvres y sont critiques, distanciées, analytiques. Il y est question d’images, de représentations, de déconstructions, de plasticités, de corps.
Constatant une similarité entre la figure de l’artiste moderne (génial, utopique, conquérant, novateur…) et celle du mâle dominant, il s’agit de les interroger dans un même mouvement. On y trouve des attaques en règle contre les figures et formes d’autorité, explorant la plasticité des corps, théâtres des forces idéologiques en présence.
Frank Lamy
Artistes présentés dans l’exposition
Soufiane Ababri, Vito Acconci, Boris Achour, Bas Jan Ader, Stéphane Albert, Dove Allouche, Carlos Amorales, David Ancelin, Kader Attia, Fayçal Baghriche, Gilles Barbier, Taysir Batniji, Jérémie Bennequin, Patrick Mario Bernard, Tobias Bernstrup, Jérôme Boutterin, Genesis Breyer P-Orridge, Alain Buffard, Chris Burden, André Cadere, Maurizio Cattelan, Brian Dawn Chalkley, Nicolas Chardon, Nicolas Cilins, Claude Closky, Florian Cochet, Steven Cohen, John Coplans, Didier Courbot, Christophe Cuzin, Denis Dailleux, Sépà nd Danesh, Alain Declercq, Dector & Dupuy, Brice Dellsperger, Noël Dolla, Olivier Dollinger, Thomas Eller, Simon English, Simon Faithfull, Dan Finsel, Charles Fréger, Jean-Baptiste Ganne, Pippa Garner, Jakob Gautel, Douglas Gordon, Tomislav Gotovac, Rodney Graham, Ion Grigorescu, Alain Guiraudie, Joël Hubaut, Charlie Jeffery, Pierre Joseph, Michel Journiac, Dorian Jude, Jacques Julien, Jesper Just, Jason Karaïndros, Meiro Koizumi, Jiri Kovanda, Antti Laitinen, Alvaro Laiz, Matthieu Laurette, Leigh Ledare, Claude Lévêque, Pascal Lièvre, MADEleINe ERIC, Robert Mapplethorpe, Jean-Charles Massera, Florent Mattei, Emilio López-Menchero, Théo Mercier, Pierre Molinier, Kent Monkman, Jacques Monory, Yasumasa Morimura, Laurent Moriceau, Ciprian Mureşan, Bruce Nauman, Krzysztof Niemczyk, Oriol Nogues, Christodoulos Panayiotou, Carlos Pazos, Bruno Pelassy et Natacha Lesueur, Régis Perray, Philippe Perrin, Grayson Perry, Pierre Petit, Laurent Prexl, Prinz Gholam, Florian Pugnaire et David Raffini, Philippe Ramette, Patrick Raynaud, Hubert Renard, Santiago Reyes, Bertrand Rigaux, Didier Rittener, Lucas Samaras, Yinka Shonibare MBE, Florian Sicard, Pierrick Sorin, David Teboul, Laurent Tixador et Abraham Poincheval, Gavin Turk, Frédéric Vaesen, Jean-Luc Verna, Yan Xing.
critique
Chercher le garcon