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Cheminements

Avec la série Cheminements, Sabine Delcour travaille la notion de territoire, manipule les codes de la photographie de paysage. Après s’être intéressée à l’habitat urbain japonais, elle photographie des sentiers de forêt, des chemins de campagnes. De la ville à la nature, l’homme a disparu. L’absence est parfois la meilleure façon de signifier une présence. S’il est exclu physiquement, sa trace est partout: empreinte de son passage, son action sur le paysage. Le parallèle entre trace anthropique et trace photographique bouscule le mythe de la nature.

La nature n’est plus une vérité physique, mais l’homme continue d’évoluer dans un territoire, dans un contexte géographique en grande partie composé par lui mais qu’il doit toujours se réapproprier. Le geste photographique de Sabine Delcour rejoue ce schéma. Quelle que soit la météo, elle sort réaliser ses images, pataugeant parfois dans la boue, s’enfonçant littéralement dans le territoire, engageant un corps à corps avec le milieu dans lequel elle évolue.

A toute expédition convient un équipement. Sabine Delcour s’octroie une imposante chambre photographique qui accentue la difficulté de réaliser des images dans cet environnement mais sans laquelle ses photographies n’acquerraient pas toute leur force. Si l’utilisation de la chambre est le plus souvent louée pour la netteté qu’elle procure, elle permet également manipulations et réglages qui influeront sur le résultat de l’image.

A la netteté et au formalisme de la photographie documentaire de paysage, Sabine Delcour propose une image où se noue une complexe relation entre flou et net. L’œil du spectateur chemine dans l’image, du flou et du confus au net et au lisible. Pensée et entièrement construite, l’image ne cherche pas à jouer sur une ambigüité avec la réalité, à produire un discours sur un territoire. Sur ses tirages, Sabine Delcour laisse d’ailleurs apparaître le cadre de la pellicule pour souligner la nature mécanique de la photographique.

Renforcé par de puissantes lignes de fuite, le cadre fonctionne également comme un portail qui ouvre sur un ailleurs, sur une appréhension différente de l’espace. Le paysage n’est plus seulement perçu à travers le prisme documentaire et la photographie de Sabine Delcour cherche à en extraire l’imagibilité, que Kevin Lynch applique à l’espace urbain, cette qualité qui confère à un objet physique un fort pouvoir d’évoquer une image vive chez n’importe quel observateur.
Le territoire est autant une notion physique, économique et sociale qu’un formidable producteur d’imaginaire. Il renvoie dès lors à des expériences intimes autant qu’à des images inconscientes, des réminiscences culturelles, des mythes populaires.

Sabine Delcour
Cheminements, 2006. 8 Photographies argentiques.