Les séries et les films américains ont largement participé à nous familiariser avec les représentations des Cheerleaders — les pom-pom girls — et des joueurs de football américain. Elles sont généralement les plus belles et les plus populaires du lycée ou de l’université et ils représentent l’idéal de virilité et de santé physique qui séduit la plupart des jeunes filles.
Si leur image finit parfois par être tournée en ridicule au profit de personnages moins glamour mais dépeints comme plus «intéressants», les cheerleaders et les footballeurs n’en demeurent pas moins un véritable symbole de la jeunesse et de la culture populaire américaine.
Ces filles qui se déhanchent et lèvent haut leur jambe au rythme du slogan qui encourage leur équipe constituent un véritable phénomène social et culturel. Conscient de l’importance de ce modèle dans l’imaginaire collectif américain, mais sans toutefois chercher à réaliser une étude sociologique, Brian Finke a suivi sur les terrains, pendant deux ans, les meilleures équipes de football américain et leurs supportrices. Il se fait ainsi le témoin privilégié d’un univers singulier qui se nourrit d’un certains folklore et d’un ensemble de codes.
Brian Finke ne montre pas l’adolescence dans sa révolte ou sa déviance comme le fait Larry Clark, mais partage avec celui-ci une réflexion sur le lien social, sur la manière dont un individu en construction s’inscrit, se révèle et réagit dans le groupe qui l’accueille. En ce sens, l’univers des pom-pom girls et des équipes de football constitue un terrain légitime pour traduire photographiquement ce phénomène de socialisation. En effet, le sport, par les enjeux et l’émotion qu’il soulève, génère un ensemble de sensations comme la joie, la déception, la crainte, la combativité, le respect qui peut être assimilé par chaque individu partageant un objectif commun avec le groupe.
Il en va de même pour les cheerleaders, qui apparaissent ainsi comme une extension de l’équipe qui foule la surface de jeu. Les photos de Brian Finke rendent compte de cette solidarité, de la cohésion qui unit chaque membre au moment d’un match. Ainsi, certains clichés qui expriment une sensation partagée se font échos: les visages collés de deux jeunes filles, qui se concentrent, prient ou se transmettent leur joie, renvoient à l’accolade virile des joueurs dont les casques s’entrechoquent en guise d’encouragement ou aux mains serrées et tendues par la situation des pom-pom girls.
Les uniformes aux couleurs de l’école renforcent cet effet d’appartenance au groupe. L’omniprésence des corps dans les photos de Finke évoquent de manière plus détournée l’éveil sexuel de ces jeunes et le lien qui se tisse entre joueurs et supportrices: ils livrent un combat sous leurs yeux tandis qu’elles tremblent et hurlent pour eux, l’image d’une pom-pom girls renvoie inconsciemment à celle d’un footballer et inversement.
Brian Finke saisit donc des instants furtifs et fragiles qui révèlent tout un bouquet de sensations. L’emploi de la couleur n’est pas sans rappeler les traitements de Stephen Shore et de Joël Meyerowitz. S’il adopte une démarche proche du documentaire en suivant ces différentes équipes à travers les Etats-Unis, sans traduire un parti pris ou sans chercher à porter un regard ironique sur ces pratiques, ses images, par l’emploi d’un flash additif qui fixe les sujets dans une réalité glacée, ne sont pas sans produire, à la manière de la photographie publicitaire ou de mode, de véritables icônes.
Brian Finke
— Cheerleaders and Football Players, 2003. 8 Photos argentiques couleur. 80 x 80 cm chacune.