Présentation
Chef de la rédaction et directeur artistique : Djamel Kokene
Checkpoint n°2. Rejouer/Redeal
Extraits de l’éditorial de Djamel Kokene
«Comme si. Dans cette ère du consultant, «messie» de l’entreprise du libéralisme, le déversement d’images synchronisées dans le réseau global de la télécommunication ne permet plus de penser l’extérieur, le non-Occident, comme un ailleurs lointain et radieux. Synchronisation du monde, simultanéité de la diffusion, densité de mouvement et de trafic ont implanté de manière effective l’oubli des distances dans les centres de pouvoir et de consommation. Devenu une fabrique comportementale planétaire, l’Occident avec sa mondialisation économique ne se définit plus géographiquement par une limite qui tendrait à le localiser dans un territoire. Infiltré dans les contrées les plus reculées du globe, sa vision et sa manière de modeler le monde apparaissent à présent inévitables. Contesté par les uns et admiré par les autres, l’Occident n’est plus cette «région isolée» sur une carte mais une pensée, une idée et un modèle de société sans limite géographique, dont l’un des enjeux est la production de sens et le monopole de celui-ci sur le reste du globe.
Dans ce va-et-vient permanent, la mobilité dresse de nouvelles cartes où l’art n’est pas plus national qu’international. Il est temps de revoir nos fenêtres mentales portatives car nos enveloppes culturelles se transforment et nos modes de production sont modifiés. En cela tout discours identitaire est donc non avenu. […]
Rejouer. On comprend dès lors que derrière cette tour de Babel de la globalisation se jouent de nouveaux paramètres de réappropriation. Dans le même temps que l’horizon incertain s’est élargi aux dimensions du monde, l’Occident a pris connaissance d’une humanité qui lui résiste parce que moins homogène qu’il ne le prétendait. Et pour survivre, l’art passe aujourd’hui par l’élargissement des modes de production qui sont ceux des subjectivités où l’identité communautaire n’est que secondaire, sinon désuète. La machine à expulser qu’est l’Occident digère mal l’altérité et de ce fait transforme tout en images de lui-même. Absorption meurtrière, expulsion indifférente, réduction du territoire du genre humain. ûu’en est-il aujourd’hui de ce sentiment d’absorption au sein de l’omniprésence occidentale, au-delà des revendications de spécificités locales, effet boomerang d’un ressentiment généralisé ?
Dans ce contexte, «Rejouer» est l’occasion d’une formulation hypothétique sur l’imagerie de l’Occident, sa vision de l’Autre, proche et lointain, ses modes de représentation, d’infiltration, de réappropriation voire même de cannibalisation. Loin de «faire sien» d’un signe nu d’une forme pour se constituer «propriétaire», il s’agit d’induction et de diffusion tant dans l’espace politique, institutionnel que social. En cela le «Re» est ici autant une donnée économique, géopolitique qu’artistique. Et qui voit dans le «Re» une simple mode, doit se garder d’user de l’image aujourd’hui de l’arabe, lui aussi devenu une figure à la «mode». Et qui aujourd’hui prétendrait détenir le monopole du sens dans un contexte de prolifération des usages assorti d’une multiplication des sources?
Checkpoint propose donc des lectures qui s’inscrivent autant dans la perspective interrogative de constituer des rapprochements entre les cultures au-delà de l’opposition diplomatique que forme le couple Occident/Orient, que dans celle d’établir des points communs entre différentes formes de résistance chez les artistes, qu’ils soient occidentaux ou non. […]»