Charlotte Charbonnel
Le musée Réattu, ancien Grand-Prieuré de Malte, musée des beaux-arts et d’art contemporain de la ville d’Arles, se vit aujourd’hui comme un laboratoire voué à la création, une chambre d’écho pour des collections variées: peinture, sculpture, photographie, art sonore, dessin, vidéo, installations, design…
Pratiquant la commande aux artistes et le mélange des disciplines, le musée invite cet été Charlotte Charbonnel dans le cadre de l’exposition musée réattu | sur mesures. Michèle Moutashar, directrice du musée Réattu, en assure le commissariat.
Née en 1980, Charlotte Charbonnel travaille aux frontières de la science et de l’art, en mêlant vidéo, sculpture et son. Pour sa première exposition personnelle dans un musée, elle nous invite dans son laboratoire, où les phénomènes naturels et physiques sont souvent les points de départ de ses recherches.
Le dispositif qu’elle a imaginé puise dans l’énergie du lieu et répond à la présence du Rhône, la violence du vent et l’atmosphère souterraine des salles.
Elle mène depuis cinq ans un travail transdisciplinaire, où les frontières entre les différents médiums tendent à disparaître, dans une sorte d’hybridation de formes ou de porosité entre image, volume et son. Une démarche qui trouve dans les lieux où elle intervient le support d’échanges supplémentaires, en dialogue rapproché avec l’espace. Elle met souvent en évidence le son des matériaux, révélant ainsi l’écoute de la matière par le biais d’objets sonores, de machines acoustiques.
Pour cet événement (première exposition institutionnelle), l’artiste conjugue différents temps de création. L’un des espaces de l’exposition sera ainsi consacré à la notion de recherche, sous la forme d’un atelier-laboratoire dévoilant le rôle de l’expérimentation à l’intérieur de son travail, par le biais de maquettes notamment. Au même titre que l’œuvre finale, il s’agit de montrer ce qu’elle nomme «les entrailles», pour mettre en avant le processus de création, décrypter par exemple, à travers ses dispositifs, comment naît une image… d’une photographie, d’un matériau, d’un désir, d’un lieu: autant d’éléments qui passent par plusieurs chemins et plusieurs scénarios.
Les phénomènes naturels et physiques sont souvent les points de départ et d’inspiration de ces recherches. L’artiste trouve dans l’exploration de différents domaines de la science, comme la météorologie, l’acoustique, la sismologie, les moyens de renouveler une perception du monde. Les découvertes scientifiques la captivent, nourrissent ses réflexions et l’aident à comprendre le monde et les objets qui l’entourent, à l’écoute de l’énergie, des ondes, des vibrations…
A l’intérieur de ses installations, qui mêlent la sculpture, le son et la vidéo, la place du spectateur est importante, il peut être amené à activer les propositions de l’artiste. Stétosphères, pièce sonore collective qui sera présente dans l’exposition, propose ainsi aux visiteurs de manipuler cinq sphères contenant différents matériaux et d’en écouter leurs polyphonies en temps réel. Une façon de s’interroger sur ce que l’on voit.
Le dispositif imaginé pour le musée Réattu témoigne de sa sensibilité à la magie du lieu, au magnétisme sous-jacent: sa nouvelle installation dialogue avec la poésie des éléments, portée par le défi premier mais irréalisable de ramener à l’intérieur du bâtiment le Rhône qui longe le musée; un fleuve tout proche, à la fois présent et caché, dissimulé par une digue, qui vient en même temps en contrarier et en exalter l’idée; une situation qui l’a immédiatement interpellée et captivée, en réactivant l’importance de l’énergie, élément essentiel dans son travail.
«Enfant, Charlotte Charbonnel a dû faire partie de ces elfes distraits uniquement captifs du rebond mystérieux des galets sur la brillance de l’eau… Plus tard, on l’aura vue mettre un micro dans le ventre d’un réfrigérateur… Invitée cette année de « Musée Réattu I Sur Mesure », toutes antennes dehors attentive à capter les flux qui bouleversent un lieu éperdument sensible à la ligne de flottaison du fleuve, Charlotte Charbonnel y a glissé ses machines précieuses, aussi complexes que transparentes, à peine nées d’hier mais détachées du temps, dont les noms — Resonarium, Limaille fossilisée, Stéthosphères — comme échappés d’un improbable grimoire greffant la botanique à l’acoustique des orages – disent parfaitement ce qui aimante l’artiste: cet espace, insondable, minuscule, palpitant, où ne passe que du courant et par où tout peut advenir» (Michèle Moutashar).