Harold Ancart, Danai Anesiadou, Matteo Callegari, Valentin Carron, Anna Craycroft, Trisha Donnelly, Hans-Peter Feldmann, Maria Loboda, Sarah Ortmeyer, Haim Steinbach
Champs Elysées
Commissaires d’exposition: Julie Boukobza, Simon Castets, Nicola Trezzi
«Champs Elysées» se conçoit comme un cimetière où les œuvres jouent avec esthétique funéraire et persistance des rites mortuaires. L’espace de l’exposition comme cimetière trace un nouveau périmètre d’investigation, qui met en abîme la pratique curatoriale et approfondit la relation de l’art avec son éternel conjoint, la mort.
Champs Elysées: Dans la mythologie grecque, partie des Enfers, séjour des héros et des hommes vertueux après leur mort. (Larousse)
Dans Loss of Breath (1832), Edgar Allan Poe souligne la valeur esthétique du tombeau lorsqu’il commet un lapsus révélateur confondant les termes sépulture et sculpture: «we arrived at the place of sculpture, and I felt myself deposited within the tomb.»
Née de croyances religieuses surannées et de considérations hygiénistes datées, l’institution funéraire continue néanmoins de matérialiser le souvenir du défunt. Survivant à la sécularisation des sociétés occidentales, le cimetière demeure un espace intensément investi, le lieu incontournable du repos post-mortem, la villégiature obligatoire des morts enterrés ou incinérés. Bien que conçu pour accueillir les cadavres, le cimetière, créé par et pour les vivants, est un reflet de son environnement socio-économique, verni d’une illusion d’éternité.
«Champs Elysées» invite une vingtaine d’artistes à bâtir par leurs œuvres, pièce par pièce, un cimetière modèle à l’intérieur de l’espace d’exposition, réexaminant les aspects décoratifs et performatifs du funéraire au sein d’une mise en scène immersive. Rappelant la théorie du musée comme cimetière, l’exposition transpose l’esthétique du cimetière dans le musée même. Décrits par Paul Valéry comme des simples amalgames de «visions mortes», les musées semblent parfois se muer en cimetières d’idées éteintes. Dans «Champs Elysées», des représentations artistiques de la mort et du cimetière invitent paradoxalement à considérer la vivacité de l’espace d’exposition.
L’exposition suggère des liens entre les éléments esthétiques et les fonctions sociétales du cimetière, décelant dans la persistance du rite funéraire un enjeu artistique fertile. Les artistes sélectionnés donnent à voir non seulement l’image statique et éculée de la nécropole idéale — stèles, chrysanthèmes, croix, larmes, portraits de défunts, urnes écoresponsables — mais aussi ses usages parallèles, visites guidées, cérémonies de magie noire, tournois d’échecs et rencontres furtives.
Vernissage
Jeudi 20 juin 2013