ART | CRITIQUE

Champ de vision

PMuriel Denet
@13 Déc 2008

Deux espaces, deux temps. Le spectateur de l’exposition de Damián Ortega à l’Espace 315 entre d’abord dans le Champ de vision : il ne sait pas encore que c’est au sens propre du terme.

Deux espaces, deux temps. Le spectateur de l’exposition de Damián Ortega à l’Espace 315 entre d’abord dans le Champ de vision : il ne sait pas encore que c’est au sens propre du terme.

Celui-ci est intégralement blanc, et accueille une installation de câbles, tendus entre sol et plafond, sur lesquels sont enfilés, comme des perles, des modules sphériques de plastique translucide et coloré — bleu, rouge, jaune et noir.

Ces guirlandes verticales, un peu kitsch, sont strictement alignées sur des segments parallèles entre eux, dont la longueur va diminuant, ainsi que la taille des modules qu’ils portent, et dessinent, de la sorte, un triangle isocèle, au sol, dont l’axe médian épouse celui de la salle.

Le spectateur arpente ces travées d’une largeur constante de 2,5 m environ. Parvenu au sommet, deuxième temps : après un dernier regard sur cette pluie multicolore, il passe derrière une paroi, et vient coller son œil sur un orifice placé sur l’axe central de l’installation, pour y voir… un œil. Ou, plus exactement, une représentation, grossièrement pixélisée, d’un œil. Ainsi que la salle, et ses visiteurs soudain lilliputiens.

La lentille embrasse et synthétise ces molécules flottantes, et produit un effet de miroir, œil contre œil. Tout est question de point de vue.

L’installation est limpide. Dedans, immersion dans les molécules constitutives de l’image invisible, et appréhension physique de l’espace ; de l’autre côté du mur, le retrait, depuis lequel le monde, et les autres, deviennent une représentation insaisissable.

«Ceci n’est pas un œil», aurait pu sous-titrer l’artiste, d’autant plus que son origine est déjà une photographie tramée, très fortement grossie, d’un œil dont l’existence s’est perdue.

Ceci n’est pas une installation ludique ni gratuite. Mais une mise en image et en sensation de l’impossibilité d’un regard surplombant, embrassant un champ de vision que cette posture rend intelligible, sans se détacher du monde et le réduire à «une illusion optique, une chose fictive et irréelle pourtant identifiable» (Damián Ortega).

Damián Ortega
— Champ de vision, 2008. Installation.

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