Plusieurs expositions vont être consacrées à Alain Fleischer, comme en écho à l’aspect protéiforme de son œuvre : écrits, films, photographies, installations. Une rétrospective va ouvrir à la Maison européenne de la Photographie à la fin du mois, accompagnée de huit soirées au Centre Pompidou fin novembre (la Maison européenne de la Photographie et le centre Pompidou coéditent un livre-catalogue).
À la Galerie de France toutes les œuvres connectent de diverses manières le cinéma et les arts plastiques, essentiellement la photographie. À commencer par les grands cibachromes (tirages photographiques en couleur) accrochés à l’entrée de l’exposition (Cinecitta, 2003). L’artiste a projeté sur une façade d’immeuble l’image d’un couple d’acteurs célèbres de cinéma. Puis il a photographié cette projection en intégrant dans son cliché une partie de la ville. Rencontre entre la ville endormie, les représentations nocturnes et le cinéma—rencontre renforcée par le format horizontal des œuvres qui évoque l’écran de projection.
Dans Écran sensible. Cette image est l’histoire d’un film, un court film est projeté en petit format sur le mur de la galerie à côté d’un grand tirage photographique. Ce tirage a été obtenu en projetant le film sur le papier photographique, qui a ainsi été traité comme un écran sensible. Le ruban filmique accomplit littéralement deux tours, du sol au plafond, avant de passer dans le projecteur. Il est à nouveau question d’empreintes, d’images d’image, avec les rayogrammes de bandes de films qui ont été disposées parallèlement, plus ou moins superposées, sur du papier photographique avant d’être exposées à la lumière — ce pourquoi elles apparaissent sur un fond noir saturé.
Trois autres œuvres mettent directement en scène le cinéma, soit dans ses procédés, soit à propos des films.
En vitrine sur la rue, quatre caissons lumineux verticaux et translucides reprennent des motifs linéaires issus de la bande-son (telle qu’elle peut apparaître décomposée dans des schémas techniques) d’un film de l’artiste.
Dans Films Memories, à la manière d’artistes tels que Pierre Huyghe, Alain Fleischer adopte pour matériau de travail un film: Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock. Le recadrage — Fleischer a filmé une petite portion de l’image initiale du film d’Hitchcock — suffit à donner toute son importance à la bande-son. On retrouve la thématique duelle (le couple/la ville, les autres) de la série Cinecitta.
Enfin dans Et pourtant il tourne II, l’illusion est plus forte que la réalité: la projection de l’image d’un disque microsillon en rotation sur un vrai disque immobile donne irrésistiblement l’impression que ce dernier tourne. De façon ludique, cette pièce désigne bien l’un des enjeux de ce travail: une réflexion sur la mise en boucle et en regard d’un art par un autre, ici le cinéma et les arts plastiques.
Alain Fleischer
— Cinecitta, 2003. Cibachrome. 120 x 180 cm.
— Hitchock recadré. Hommage à Hubert Damisch, 2000. D’après Fenêtre sur cour, première bobine. DVD.
— Ecran sensible. Cette image est l’histoire d’un film, 2003. Papier photo, film 16 mm noir & blanc, 2,30’.
— Images d’images, 2003. Tirage argentique.
— Flipbook, 1998-2003.
— Et pourtant, il tourne II, 2003. Disque vinyl 78 tours et vidéo projection.
— Images du son, 1995. Cibachrome translucide, fragment de la bande sonore de Zoo Zéro.