Le travail de Thomas Devaux met en œuvre une plasticité rudérale, au sens d’une création de formes à partir de restes. De ces premiers Collages aux plus récents Reliquaires, en passant par les séries photographiques Attrition I & II, le plasticien compose ses représentations sur les ruines d’images premières, en déstructurant puis en réagençant des corps partiels ou complets dont il recueille les traces. Puisant sa matière, visuelle ou organique, dans les vernissages, il réinvestit les codes de ce théâtre social, à la visibilité contrôlée, dans une imagerie qui emprunte ses traits à l’art religieux.
Prenant place dans une économie du trivial, l’œuvre de Thomas Devaux donne corps à des figures aussi charnelles que vaporeuses dont le caractère fétiche questionne à nouveaux frais la plasticité du désir et son rapport à l’art. Dans Attrition I, les jeunes filles, véritables monstres d’élégance, sont figées dans une sorte d’attente, affichant une présence moins mélancolique qu’indifférente, par laquelle s’accomplit leur pleine déréalisation. L’apparente inconsistance de leurs corps diaphanes produisent alors des identités incertaines pour des corps survivants, par lesquelles Thomas Devaux confronte le sacré au trivial.
Pour son dernier projet The Shoppers, décliné en une série de photographies et une installation, Thomas Devaux capte sur le vif les visages de clients de supermarché au moment du règlement en caisse. De la dimension fantasmatique de ses premiers travaux au réalisme des nouveaux, de l’incarnation divine au corps réifié du consommateur, des identités symboliques aux individualités anonymes, Thomas Devaux opère ici un glissement aussi conceptuel qu’esthétique en se concentrant sur des icônes ordinaires, figures critiques malgré elles de la société de l’hyperconsommation.