Jeffrey Poirier
Ces artifices n’iront nulle part
La Galerie RDV initie le projet d’échange en arts visuels entre des artistes de Québec et de Nantes avec l’invitation à Jeffrey Poirier, sur proposition de la Galerie l’Œil de Poisson de Québec, du 8 au 30 mai.
«Ma récente démarche m’a amené vers la réalisation de dispositifs architecturaux au sein desquels sont contenus des objets résultant de techniques d’assemblage inspirées d’un bricolage élémentaire. Ces recherches s’orientent vers un nouveau mode de présentation de mes objets au sein de l’espace d’exposition, lequel propose volontairement à l’œil une zone de perception réduite des éléments déterminants de l’œuvre. Par l’ajout d’infrastructures visant à camoufler la monumentalité de l’objet, mes récentes explorations formelles tendent à ne laisser apparaître qu’un encadré superficiel et ciblé d’une présumée masse, étant bien souvent un subterfuge.
Je me suis dernièrement beaucoup intéressé à un certain type de matériau prosaïque qui usuellement, constitue souvent davantage un élément de transition dans un processus de consommation, qu’une fin en soi.
Ayant travaillé le carton recyclé et le ruban adhésif ces trois dernières années, la nouvelle proposition «Ces artifices n’iront nulle part» prend source au sein des manipulations d’un nouveau matériau de facture industrielle. Il s’agit d’un produit de styromousse à l’apparence alvéolaire, étant en réalité un dispositif de boîtes à bouture pour les pépinières, qui possède une nature ambiguë, oscillant entre le matériau brut et l’artefact. Je m’intéresse à l’aspect malléable et voué à la perte de ce matériau, qui à mon sens, représente l’archétype parfait de nos habitudes de consommation.
Peu souvent autonome, le styromousse constitue un complément, protecteur ou isolant annexé à un artefact. Dans cet ordre d’idée, les boîtes à bouture en question m’apparaissent comme un lieu ou un objet de transition puisqu’elles participent à un stade précis d’un processus. Leur design valorise une utilisation de masse visant au final la division et la destruction de l’objet. Je me suis senti particulièrement interpellé par l’utilité éphémère et unique de ce produit industriel que j’aimerais accumuler, transformer, dans un ensemble esthétique.
Dans la lignée de mes derniers travaux, cet aspect possède des résonnances critiques avec les tensions écologiques de notre ère. Je tente de situer la facture de l’œuvre dans notre climat d’excès matériel en proposant une esthétique d’accumulation, détournant les propriétés low-tech des composants de l’objet, au profit d’une atmosphère ludique et organique. Cet aspect rejoint également mes intérêts pour le baroque et les motifs issus de son esthétique; je tente de composer des motifs issus d’un procédé fait main. Tout comme la façon de présenter mes œuvres en lien direct avec l’architecture du lieu, je tente d’aborder la confection du motif sous un point de vue anthropologique.»