Monsieur le Ministre,
Le Centre des Monuments Nationaux est en crise. Cette situation inédite vous a conduit l’été dernier, suite à l’avis du CHS Ministériel, à diligenter une mission de l’Inspection Générale des Affaires Culturelles (IGAC) sur la souffrance au travail au CMN. Le rapport qui fait suite à cette inspection vous a été remis le 20 septembre dernier, il vient tout juste de nous être communiqué. Bien qu’il soit amputé d’environ un tiers de son contenu, il confirme ce que nous dénonçons depuis près de quatre ans par nos multiples alertes: une situation de profonde souffrance des personnels du siège et de certains monuments due en partie à un management brutal, ainsi que de graves dysfonctionnements qui trouvent leurs origines dans la réorganisation de l’établissement, renforçant le mal-être des personnels en détruisant les collectifs de travail.
Les mesures présentées au CHS Ministériel du 7 octobre ne répondent pas à la gravité de la situation et sont en inadéquation avec les conclusions du rapport de l’IGAC. Pour nous, ces mesures n’auront aucune incidence sur le fonctionnement de l’établissement et maintiendront les situations de stress et d’angoisse inchangées.
Le dialogue social est à l’image de la gouvernance de l’établissement. Il est détourné, dévoyé et ne sert plus que comme faire-valoir utilisé pour justifier tous les reculs. Ainsi se sont déroulées les «concertations» sur la réorganisation de l’établissement, le déménagement du second siège à la porte des Lilas ou plus récemment les réaménagements du siège de l’Hôtel de Sully ou encore l’élaboration des règlements intérieurs et tant d’autres sujets d’importance… Les dernières négociations sur le statut des contractuels de l’établissement illustrent parfaitement la méthode. Les réunions sont restées improductives tant l’administration s’est appliquée à saper les discussions. Enfin, les instances paritaires, premier lieu du dialogue social, ont été entravées dans leur fonctionnement pour ne devenir que de simples chambres d’enregistrement.
Dans la lettre de mission que vous avez adressée à Mme Lemesle le 28 octobre 2011 et qui nous a été présentée comme une mesure destinée à recadrer le fonctionnement de l’établissement, vous envisagez le transfert des actes de gestion des agents titulaires affectés. Comment, dans ce contexte, imaginer que le CMN puisse absorber et gérer 500 agents supplémentaires? Alors que le rapport de l’IGAC pointe précisément de graves problèmes de management, de gestion et d’organisation, il est impensable que cette mesure puisse, en l’état, ne serait-ce qu’être envisagée. De plus, les expériences menées au Louvre où à la BNF sont loin d’être convaincantes et ne font que consacrer l’autonomie de gestion des établissements publics et l’atomisation du Ministère de la Culture.
Par ailleurs, dans le cadre de la loi relative «à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique», une mission inter-ministérielle est chargée d’examiner la liste des établissements dérogatoires. Le Centre des monuments nationaux n’a aujourd’hui aucune raison objective d’être dérogatoire, tant par ses missions de service public que par la structure de ses emplois qui trouvent leur équivalent dans les corps existants de la Fonction Publique de l’État.
Enfin les bons résultats de l’établissement en matière de fréquentation et de qualité de programmation culturelle sont soulignés partout. Ils s’inscrivent dans un contexte général très favorable pour tous les opérateurs culturels. Au CMN, cette réussite est avant tout portée à bout de bras par les personnels, attachés à leurs missions de service public culturel. Malheureusement les moyens humains et financiers sont sans cesse revus à la baisse.
En pareil contexte, les personnels connaissent une profonde démotivation et sont excédés. C’est pourquoi nos organisations syndicales déposent ce jour un préavis de grève reconductible pour l’ensemble des personnels du Centre des monuments nationaux à compter du 22 mars 2012. Il porte sur les revendications suivantes:
— Le changement de gouvernance à la tête de l’établissement et la remise à plat de tous les processus de fonctionnement mis en place.
— Mise en place de réunions de travail avec le Ministère autour des conclusions et préconisations du rapport de l’IGAC en vue de la reconstruction du CMN et la restauration de la confiance au sein de l’établissement.
— Fin de la dérogation d’emplois du CMN par la révision du décret 84-38 du 18 janvier 1984 (dit décret-liste) et titularisation de tous les contractuels de l’établissement qui le souhaitent, dans les conditions définies par la loi n°2012-347 du 12 mars 2012.
— Abandon du projet de transfert des actes de gestions des agents titulaires affectés.
— Moratoire sur les décisions prises au CMN depuis le 20 septembre 2011. Dans ce cadre nous demandons particulièrement:
La réouverture de négociations sur le statut des personnels contractuels de l’établissement (Dans l’attente de la révision de la dérogation du CMN).
Ouverture de négociations sur le contrat de performance…
— Mise en place d’une autre politique de ressources humaines et de gestion des personnels: pourvoir tous les postes vacants au CMN et attribuer à l’établissement des plafonds d’emplois suffisants pour permettre les créations de postes nécessaires au bon fonctionnement des services et monuments.
En accord avec la réglementation en vigueur, nous nous tenons à votre disposition pour toute négociation dans le cadre et la durée de ce préavis.
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations syndicales.
Thomas Pucci, secrétaire général du SNMH-CGT, et Kamal Hesni, secrétaire général de la CFDT-Culture
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