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Cenere

La galerie Serge Le Borgne expose une œuvre récente de l’artiste italien Claudio Parmiggiani, intitulée Phénix, qui constitue deux parterres rectilignes et imposants composés de 300 urnes carrées et métalliques, qui, autant récipients qu’objets mortuaires, accueillent chacune un monticule de cendres. Celles d’arbres brûlés.
A la fois minimaliste et poétique, sculpture au sol et gamme chromatique, Phénix résonne étrangement avec les plaques de fer de Carl Andre exposées quelques étages plus bas à la galerie Yvon Lambert.

Ce n’est pas la première fois que Claudio Parmiggiani utilise les conséquences de l’action du feu dans sons œuvre. Dès les années soixante-dix avec Delocazione réalisé à Modène et jusqu’à Sculpture d’ombre au Musée Fabre de Montpellier en 2003, il enfume les lieux où il expose pour réaliser des radiographies, des empreintes fixées par la suie des formes, tableaux ou objets présents. Alternance de plein et de vide, d’ombre et de lumière, l’œuvre est une trace, un indice de quelque chose qui a été, d’une action qui s’est produite et qui perdure dans le temps de l’exposition.

Ce processus de création par altération matérialise, stigmatise, une absence et propose au spectateur un travail sur la mémoire, ses incertitudes et ses fragments. Mais aussi sur la mort, comme les cendres de Phénix, vanité contemporaine ricanant de l’absurdité du monde, archéologie d’un grand massacre, semblent venir le rappeler.
Si cette œuvre incroyablement austère, à l’atmosphère lunaire, souligne la fin, la réduction au minimum d’un être ou d’une essence, elle propose, bien plus, une belle métaphore du temps. Le phénix est l’oiseau mythique qui renaît de ses cendres, qui assure, certes dans la difficulté et dans la mort, la continuité des cycles, leur renaissance, liant ainsi le passé à l’avenir.

Mais de quelle résurgence s’agit-il ? Celle de la nature, puisqu’il s’agit de cendres d’arbres ? De l’homme, puisque c’est ce qu’elles semblent signifier ? De l’espoir ? Du cycle immuable de la vie, le phénix étant condamné à mourir et à ressusciter perpétuellement ?

A ces questions, l’œuvre de Claudio Parmiggiani semble rester muette. Tout comme l’artiste, pour qui le silence est devenu un acte de résistance dans une société médiatique, dans une industrie culturelle subordonnée aux logiques économiques.
Le mystère, partie intégrante de son art, libère l’œuvre du discours et l’offre au questionnement du spectateur, lui permet de s’exprimer en tant que telle et dans sa multiplicité.

Claudio Parmiggiani
— Phénix, 2008. 300 urnes de métal, cendres. 33 x 759 x 165 cm et 33 x 1221 x 165 cm.
 

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