Céleste Boursier-Mougenot
Céleste Boursier-Mougenot
Céleste Boursier-Mougenot développe ses installations en relation étroite avec les architectures dans lesquelles elles sont amenées à prendre forme. Ici, il choisit de donner son interprétation de l’escalier d’accès à l’espace de la galerie. Recouvert de galets par centaines, l’escalier ainsi agencé évoque un sentier vertical, un péril de montagne, ou le lit d’une ancienne rivière. L’évocation du milieu naturel favorise les conditions de l’écoute, évacuant comme les rumeurs lointaines d’un torrent évanoui les derniers résidus des bruits extérieurs. L’escalier est pensé comme le lieu d’une transition, un rite de passage ascensionnel étroit et silencieux, qui requiert du visiteur une attention, un ralentissement de ses pas, une mise en condition pour s’extraire de son propre rythme.
Dans l’espace principal de la galerie, cinq structures en bois carbonisé composées d’éléments constitutifs d’une ruche classique (hausse et corps de ruche), véritables sculptures sonores, diffusent un léger bourdonnement. Le son émet des fréquences basses et légèrement modulantes, qui rappellent plusieurs installations sonores antérieures de l’artiste comme Schizoframes, œuvre du Centre Pompidou, ou Transcom1 présentée à la Maison Rouge en 2010. Le son capté par plusieurs microphones installés à l’entrée d’une ruche active où s’affairent plusieurs milliers d’abeilles, est retraité et disposé dans l’espace. Issues des battements d’ailes d’une abeille lors de ses déplacements, outil de communication et de cohésion de la colonie, ces vibrations sonores remixées créent de nouvelles harmonies. Ce qui habituellement n’est perçu que comme un bruit, un murmure confus, une nuisance inquiétante, se révèle ici comme une chorégraphie sonore étrange et captivante, changeante au gré des cinq sources de diffusion. Ainsi, par son déplacement dans le long couloir de la galerie, le visiteur est lui-même l’élément modulant de cette composition bourdonnante, passant d’une ruche à l’autre, d’une tonalité à l’autre.
L’artiste s’applique à créer des œuvres qui s’ancrent dans le présent, se développent et se renouvellent perpétuellement en direct. C’est à nouveau ces principes qui régissent l’une des dernières œuvres présentées dans cette exposition et intitulée U43 du nom du téléphone en bakélite noir créé après la seconde guerre mondiale (poste Universel 1943). Le modèle, alors peu coûteux, permettant les techniques du moulage et la fabrication en série, a contribué largement à la démocratisation du téléphone en France. Le téléphone greffé à un socle en cire noire se déclenche inopinément.
L’occurrence de déclenchement du son repose sur l’apparition d’un mot dans l’océan virtuel que brasse Google en permanence. Ainsi, la sonnerie retentit chaque fois qu’apparaît le mot «fantôme» sur la toile. Ce signal sonore imprévu d’origine incertaine détourne l’objet de sa fonction initiale de transmission orale, et évoque un réseau de communication virtuelle et de surveillance, ainsi que le flux continu des informations qui nous traversent, et s’incarne ici en un corps élégant, statique et sonore.
L’œuvre de Céleste Boursier-Mougenot n’a certes pas vocation rhétorique, ne cherche pas la démonstration ou à soutenir un discours univoque sur l’information. Cependant, ces œuvres créent des remous de pensées qui nous interrogent avec pertinence sur la relation du son à la musique, à la communication, au signal, à l’écoute, et à la conscience vertigineuse de la superposition des présents.
Récemment exposé au collège des Bernardins (février-avril 2012) avec l’installation Videodrones, le travail de Céleste Boursier-Mougenot fera l’objet d’une présentation spectaculaire au Centquatre à partir du 22 septembre à travers l’installation From here to ear (v. 16). Plusieurs expositions lui seront également consacrées aux Etats-Unis et en Amérique du Sud cet automne (Umass Amherst Fine Arts, MA; French Institute Alliance Française, NYC, et lors de la Biennale de Montévidéo, Uruguay).
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Marie-Jeanne Caprasse sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Céleste Boursier-Mougenot