— Éditeur : Galerie Éric Dupont, Paris
— Année : 2003
— Format : 21 x 17 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : non paginé
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-910587-08-8
— Prix : non précisé
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Évidences
par François Piron
Ce que photographie Cécile Paris est de l’ordre de l’évidence, au sens français du terme, mais aussi dans l’acception anglo-saxonne de « preuve » et de « témoignage ». Sa méthode, qui s’apparente à la prise de notes, l’attention qu’elle porte aux détails, aux événements apparemment anodins qui se logent au ras du sol ou dans les recoins, les angles morts de la vision, consiste à faire émerger des signes ténus au sein de ce que l’on a coutume de nommer, improprement, par négligence, la banalité. Cette banalité est autant celle d’images où flotte un sentiment de déjà -vu, que celle d’un imaginaire qui constitue un de nos lieux communs : un imaginaire constitué de représentations idéalisées (l’ailleurs, l’exotique, le départ…) qui se matérialisent maladroitement dans l’environnement intime et domestique (les posters sylvestres, les plantes en pot, le caravaning…). Avec empathie et humour, Cécile Paris adopte un regard que l’on pourrait qualifier de « touristique » pour relever ces signes fugaces de la modernité, proche en cela de la pratique d’artistes tels que Peter Fischli & David Weiss ou Philippe Durand. Une pratique déambulatoire où la prise de vue ne consiste pas à magnifier, mais à enregistrer, avec une nonchalance feinte, la superposition du vu et du déjà -vu. Sans velléité démonstrative, la pratique photographique de Cécile Paris est proche de la constitution de l’herbier, par prélèvement et consignation; procédant par rapprochements et séries, elle associera par exemple une flaque de boue et la carrosserie rutilante d’une voiture de sport, se rappropriant ironiquement un univers de représentation stéréotypiquement masculin, comme lorsqu’elle filme une jeune fille mimant les gestes d’un guitar-hero, dont elle extrait le potentiel de violence érotique allégorisée. Dans le souvenir de l’esthétique « camp », qui fut aux États-Unis un mode de détournement politique des codes esthétiques dominants par la communauté gay dans les années 1960 et 1970, Cécile Paris travaille à une féminisation de cette iconographie, sans pour autant la travestir, mais en manifestant sa conscience des modèles sociaux de représentation qui président à l’instauration de cette imagerie dans la culture, en l’exacerbant et en la distanciant du même regard. Dans une de ses plus récentes séries, Alerte, elle photographie, comme à son habitude, des lieux désertés, où la trace d’humanité se matérialise souvent par un ordonnancement de la nature (un paysage de campagne où se découpent les toits uniformes de pavillons soigneusement alignés, une vaste esplanade de béton devant un chalet montagnard, un semi-remorque sur lequel est peint une fresque rurale dans un style réaliste socialiste). Mais ces images d’apparence paisibles laissent cette fois planer l’inquiétude d’un événement possible, à l’instar des images du photographe de Blow Up au cÅ“ur desquelles se dissimule le drame. Lieux du crime, les photographies de Cécile Paris prennent alors leur caractère d’évidence, de preuves d’une trop tranquille apparence des choses.
(Texte publié avec l’aimable autorisation de François Piron et de la galerie Éric Dupont)
L’artiste
Cécile Paris est née en 1970. Elle est diplômée de l’École nationale des beaux-arts de Nancy et enseigne depuis octobre 2002 à l’École des beaux-arts de Nantes. Elle vit et travaille à Paris.