Cécile Bart, François Morellet

Cécile Bart, François Morellet

François Morellet se plait à comploter contre l’art bien pensant, ses classifications et ses prétentions métaphysiques. Il aime brasser les cartes et troubler le jeu, déranger l’esthétique et mettre à mal les accrochages. Il sait renouveler ses charges et les placer au bon endroit pour dynamiter le décor. Il faut savoir le reconnaître pour en apprécier tout le sel. Maître en son temps au sein du courant de l’art systématique, François Morellet en a usé avec humour précisément comme d’une arme imparable contre l’esprit de système. En soignant pour ainsi dire le mal par le mal, par la surenchère systématique, en poussant jusqu’aux ultimes conséquences – absurdes – de maigres prémisses rationnelles, il est devenu le grand pataphysicien d’une géométrie qu’il a baroquisée. En témoignent dans cette exposition les changements de directions, déterminés aléatoirement, d’un tube de néon blanc, ou les enchaînements de virages périlleux d’arcs de cercles roses, non moins lumineux.

Adepte des jeux de mots – Steel Life (vie d’acier) au lieu de still life (nature morte) –, suffisamment malin pour ne finir qu’à moitié le remplissage coloré des zones délimitées par le croisement de deux séries de parallèles, ou encore jubilant de l’effet de luminosité trompeur des mêmes néons placés sur deux fonds juxtaposés n’ayant pas le même pouvoir réfléchissant, François Morellet endiable la peinture.

Cécile Bart a placé sa malignité dans le trucage et le piège à regard. Ses écrans sont des peintures que les idiots prennent pour des châssis de sérigraphie. Il faut se déplacer pour comprendre que leur étrange modulation d’intensité provient de l’incidence selon laquelle nous les observons. Quant au fait que l’écran blanc, non peint, masque ce qu’il retient derrière lui, alors que l’écran peint (noir ou coloré) le fait voir, c’est une inversion du sens commun proprement diabolique. Les peintures-écrans qui ont d’abord été disposées verticales, dans l’espace, en poursuivant une tradition plutôt minimaliste, ont fini par se mettre à danser la gigue, à s’appuyer de guingois contre les murs, ou encore à virevolter comme des marionnettes. Si on dit à Cécile Bart qu’elle fait des installations, elle vous répondra qu’elle est «artiste peintre»!

Elle n’est pas moins frivole que François Morellet à qui elle rend hommage, ici même, avec une composition faite de deux écrans disjoints, basculés, traversés par des zones de couleurs qui se prolongent virtuellement de l’un à l’autre. C’est un clin d’œil direct à Sur un carré 0°-90° et un carré 21°-111° indication d’une médiane et du prolongement de la médiane de l’autre carré, une œuvre de 1976 de son illustre compère.

On comptera les renvois de balle. Lumière artificielle et lumière du jour se font le pied de nez; en toute amitié, le rose de Contorsion n° 10 et celui du Guingois de 2002 se répondent en échos… Ausgestellt- Vorgestellt VII François Morellet für Cécile Bart, c’était au musée de Marl, en Allemagne, en 2004. Le dialogue avait commencé à la galerie Mark Müller, à Zurich, en 1996, où à Neonly il était répondu But also. Il se poursuivra à Permm, en Russie, en octobre, cette année.

Membre du réseau Botox(s).