Lili Reynaud-Dewar
Ceci est ma maison/This is my place
L’exposition «Ceci est ma maison / This Is My Place», prend pour point de départ un texte que j’ai publié récemment dans ma propre revue: Petunia. J’y défends l’idée indéfendable selon laquelle pour une artiste femme, la propriété immobilière, et les impératifs économiques et de maintenance qui l’accompagnent, sont une entrave au développement de sa pratique.
Je soutiens que les lieux d’exposition dans lesquels nous sommes amenées à montrer notre travail pendant des «durées limitées», tiennent lieu et place de «maison» : on peut les meubler, les habiter même, pour quelque temps, puis s’en défaire sans laisser de traces autres qu’une documentation photographique ad hoc.
Partant de cette hypothèse, je décide d’habiter symboliquement le Magasin. J’ai pensé l’exposition comme une suite de pièces figurant des espaces à la fois mentaux et domestiques. Un parcours diachronique, chargé et contradictoire, au cours duquel se confrontent le biographique et l’anti-biographique, l’histoire intime et collective, où se côtoient figures tutélaires et mythiques, membres de ma propre famille et amis. Elle regroupe de nombreuses sculptures et vidéos réalisées ces dernières années, dont la durée cumulée implique éventuellement que la visite de l’exposition s’étire au delà du raisonnable.
Cette succession de salles s’articule autour d’un couloir dans lequel est regroupée une documentation du travail (affiches d’exposition, vidéos de performances) qui tient lieu de mémoire et joue avec les codes de la médiation institutionnelle. Elle s’ouvre, ou se clôt, c’est selon, sur une nouvelle Å“uvre: une réflexion sur une maison qui ne fut jamais réalisée, ni donc, habitée, La Baker House, un projet de l’architecte viennois Adolphe Loos pour la danseuse américaine Joséphine Baker.
Peint sur les murs du Magasin, le motif des bandes noires et blanches qui devait orner la façade de la Baker House est le décor d’une performance dont seules seront rendues publiques des photographies et dans laquelle pour la première fois je mets en scène mon propre corps, dansant dans l’espace vide de La Rue les célèbres chorégraphies de Joséphine Baker». Lili Reynaud-Dewar
Faisant appel à une multiplicité d’influences, du rastafarianisme au design radical en passant par l’histoire du cinéma, Lili Reynaud-Dewar parvient à tracer des perspectives obliques entre son histoire purement familiale et des signifiants culturels universels — le combat pour l’égalité des races, les revendications identitaires — n’ayant rien à voir au départ avec les stéréotypes de son propre milieu.
Elle s’est souvent identifiée à des icônes de la transgression culturelle ou raciale, tels l’écrivain et militant Jean Genet; ou Sun Ra, visionnaire qui définit l’identité africaine-américaine comme mythe afin de contester la politique ségrégationniste de États-Unis. Lili Reynaud-Dewar conçoit ses performances comme des extensions de ses expositions, et c’est par un simple agencement d’accessoires qu’elle délimite une scène, loin de l’architecture de décors en usage au théâtre.
Vernissage
Samedi 4 février 2012