Présentation
David Antin
Ce qu’être d’avant-garde veut dire
«je n’écris rien de ma performance à l’avance   Â
mais la plupart du temps je pars en faire une et je
rapporte l’enregistrement et je décide si je veux en
faire une version écrite    et bien sûr elle change
parfois quand je la consigne par écrit parce que
ce qui finit sur la page n’est jamais exactement
identique à ce qui se propage dans l’air    même
si ce que je veux faire c’est rendre sur la page une
image de la parole qui se propage dans l’air   Â
faire le pari de parler    faire le pari de réfléchir
    dans les pages même du livre    que j’ai peur
de parfois sérieusement déformer»
— David Antin
Cet ouvrage est la première traduction française du recueil What it means to be avant-garde de David Antin, paru en 1993.
Poète, critique d’art, linguiste et performeur, David Antin est né en 1932 à New York et vit depuis 1968 à San Diego en Californie. Depuis 1971, à l’invitation de musées ou d’universités, il improvise des talk poems qui entrelacent le récit, la conférence, l’anecdote, le monologue, la méditation et le dialogue philosophique.
On a dit de lui qu’il était un mélange de Mark Twain et de Gertrude Stein, un croisement de Lenny Bruce et de Ludwig Wittgenstein. Par des digressions en cascade, au gré de réflexions sur le contexte immédiat, sur l’art, les institutions, la société, la mémoire, ou le langage, un discours se construit, se déploie, dérive et s’observe, tandis qu’Antin parcourt imperceptiblement son motif.
Extrait de «du printemps de l’amour du bruit et cetera»
«mais je me demandais de quoi j’allais parler parce
qu’ici dans le sud de la californie on ne sait jamais vraiment
quand commence le printemps je veux dire l’expérience
du printemps l’équinoxe vernale c’est une chose mais le
printemps c’en est une autre   et j’habite ici depuis vingt ans et
je ne sais pas toujours quand c’est le printemps
je dirais qu’il arrive
parfois fin février et on le remarque à peine quelques
extrémités de branches jaunissent   quelques fleurs des
champs commencent à pousser un oiseau différent apparaît Ã
l’occasion et on se dit que ça pourrait tout aussi bien être le
printemps
évidemment c’est un peu différent des printemps là d’où
je viens quand j’y repense   à l’est quand c’est le printemps
ben on peut dire qu’on attend ça de pied ferme si vous viviez Ã
new york ou au nord de l’état à environ deux cents kilomètres au
nord de la ville vous saviez que le printemps arrivait parce que
vers la fin mars vous entendiez des roulements de tonnerre ou des
canonnades qui signifiaient que la glace sur la rivière se rompait
et vous disiez mince alors ça doit être le printemps la glace se
rompt sur la rivière et c’était comme une série de roulements
de tambour grondant au loin brrrrrrrrrrrrrmbrrrrrrrrrrm et
vous ne vous sentiez pas mieux pour autant   parce que le ciel
était toujours gris et froid   et que les arbres étaient toujours
nus»