Huang Yong Ping réinvente les mythes classiques en associant la philosophie platonicienne à la religion bouddhique et aux talibans, ombres dangereuses du monde politique moderne. Il associe Orient et Occident, mondes mythique et moderne dans une esthétique radicale, donne un coup de pied dans nos certitudes sociales et culturelles. Sa vision de la civilisation (occidentale ou orientale) reste toutefois pétrie d’humour noir.
Kamel Mennour donne carte blanche à l’artiste chinois Huang Yong Ping en lui offrant l’espace de sa galerie rue Saint-André-des-Arts ainsi que la chapelle de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts pour une exposition monographique.
La chapelle abritait une installation de l’artiste, Arche 2009, visible du 23 octobre au 6 décembre 2009. Huang Yong Ping y présentait une arche de Noé, sa vision personnelle du grand récit fondateur de la civilisation occidentale issue de la Genèse.
Ingurgitée et recrachée, l’histoire de Noé est présentée ici sous la forme d’un vaisseau de papier transportant des bêtes empaillées, cramées, défigurées (avec une allusion à l’incendie ayant affecté une partie des objets de la célèbre maison de taxidermie Deyrolles à Paris en 2008).
Le repeuplement de la terre après le déluge se fera à l’aide d’animaux cramoisis à l’air narquois, un rien monstrueux. L’artiste associe la petite et la grande histoire et réécrit un mythe fondateur à sa manière, en posant directement la question du tragique et du mal.
Les animaux empaillés, font échos aux statues Renaissance et à la copie du Jugement dernier de Michel-Ange qui orne les murs de la chapelle; ils deviennent plus que des objets d’histoire naturelle, ils sont des actants symboles de la chute de la civilisation et d’une tentative désespérée de sauver un patrimoine (humain, culturel) dans cette chute même.
L’installation n’est à présent visible que par le biais du catalogue monographique sur Huang Yong Ping, Myths, édité par la galerie Kamel Mennour.
Caverne 2009, deuxième volet de cette re-visitation de nos mythes fondateurs occidentaux, est un rocher gigantesque qui envahit l’espace de la galerie Kamel Mennour.
On entre dans un lieu improbable et inaccessible, qui renferme lui-même un second espace, métaphorique. Une fenêtre creusée dans ce rocher de résine dévoile une caverne, représentation symbolique du Monde des Idées platonicien, inaccessible et trompeur. Une seule ouverture, réduite, sur la connaissance, révèle une vision pessimiste de notre réalité sociale et culturelle.
À l’intérieur, huit personnages, quatre moines bouddhistes épaule contre épaule avec quatre talibans, assis en cercle, symbolisent les aveuglés, les prisonniers de Platon. Ils tournent le dos à la lumière, sorte de lanterne magique ornée de silhouettes de chauve-souris, pour faire face à la paroi et y regarder les ombres qu’elle projette.
La promenade mène le visiteur dans une deuxième salle, face à un éléphant taille réelle, illusion de réalité. L’animal «enlève sa peau d’ombre» selon les termes de l’artiste, l’ombre portée devient une mue blanche, vision poétique d’une renaissance possible, vierge de tous préjugés.
Les aquarelles de Huang Yong Ping présentées dans la «crypte» de la galerie, sur des planches de bois suspendues, offrent un parcours de lecture décrivant les procédés de création de l’artiste, et expliquent comment l’écriture, le récit, le mot, sont les points de départ de sa création.
Liste des œuvres
Huang Yong Ping
— Huang Yong Ping, Arche, 2009. Installation, bois, papier et animaux taxidermisés. 5m (long) x 8 m (haut)
— Huang Yong Ping, Caverne, 2009. Caverne en résine, sculptures de boudhas et de talibans, chauve-souris projetées en ombres chinoises, dimensions variables
— Huang Yong Ping, L’Ombre blanche, 2009. Peaux de buffles sur structure en acier et résine. 250 x 450 x 210 cm
— Huang Yong Ping, Ancre, 2009. Aquarelles sur parchemin posées sur deux tablettes en bois suspendues. 510 x 43 cm / 410 x 43 cm