Poussée par l’envie d’aller au-delà des apparences, Catherine Poncin développe depuis 1986 une démarche photographique originale dans laquelle elle mélange ses propres photographies avec des images préexistantes patiemment glanées dans des fonds d’archives publics ou privés, dans des albums de familles, ou bien encore sur les marchés aux puces.
Au cours de cette quête assidue l’artiste retient les clichés qui la touchent particulièrement et puis, laissant libre cours à son intuition et à sa sensibilité, elle coupe, recoupe, cadre et recadre les images pour les insérer dans des compositions fragmentées en bandes horizontales ou verticales. Catherine Poncin photographie ensuite l’ensemble pour reconstituer les éclats photographiques en une seule image, créant ainsi «une image par l’image», comme elle qualifie sa méthode.
Ce traitement spécifique confère aux images d’archives une nouvelle vie, à mi-chemin entre réalité et poésie, entre observation empirique et expression subjective. L’œuvre de Poncin dépasse ainsi la simple fonction documentaire de la photographie et renvoie à une certaine intériorité du sujet — et de l’artiste.
Pour la série «Palimpseste» (2002), par exemple, Catherine Poncin s’est rendue au château Ferney-Voltaire pour photographier l’intérieur et le jardin de l’ancienne demeure de l’illustre penseur des Lumières. Elle a enregistré aussi les détails des tableaux et des gravures qui entouraient Voltaire, saisissant ainsi des aspects de son environnement intime.
Puis elle a juxtaposé ces clichés colorés à des images d’actualité en noir et blanc, extraites de la presse écrite contemporaine. Les polyptiques qui en résultent se présentent comme des sortes de séquences rêvées qui décrivent un univers intimiste et onirique.
Les œuvres créent une proximité humaine avec Voltaire par delà ses écrits, et font revivre un site patrimonial, en alliant la fonction documentaire de la photographie aux possibilités expressives du traitement pictural de l’image.
Comme Voltaire en son temps, Catherine Poncin ne craint pas d’affronter des sujets polémiques tels que la vie en banlieue (la ville de Bobigny, dans «Du champ des hommes, territoires», 2001), l’amour et la souffrance des Algérois pour leur patrie («Éclats», 2005), ou l’identité des algériennes voilées de Constantine («Vertiges», 2006).
La série «Vertiges» — des figures féminines voilées en noir et blanc et en négatif — est la tentative la plus récente de la quête continue de Catherine Poncin de «pénétrer l’impénétrable» par l’image. Le négatif exprime une volonté de passer à travers les enveloppes matérielles pour s’approcher au plus intime du sujet, une sorte de radiologie impuissante, car qui ne révèle rien.
Ces images côtoient des clichés colorés des très profondes gorges montagneuses des environs de Constantine. La force des eaux, qui a creusé les montagnes, résonne avec la force vitale des femmes voilées d’apparence impénétrable, aussi inaccessibles (pour une femme occidentale) que les reliefs escarpés des alentours de Constantine…
Les assemblages d’images produisent du sens, mais toujours ouvert de façon non péremptoire à l’interprétation personnelle. Loin de la posture passive du spectateur des images médiatiques, et de l’image choc, la sensibilité de la démarche photographique de Catherine Poncin souligne la poésie de l’expérience humaine.
Catherine Poncin
— Série «Palimpseste», 2002. Impression numérique sur papier Velin d Arche.
— Série «Du champ des hommes, territoires», 2001. Tirage photographique couleur sous diasec sur bâche plastique.
— Série «Vertiges», 2006. Tirage couleur sous diasec.
— Série «Eclats», 2005. Tirage couleur.