ART | CRITIQUE

Casse-toi alors pauvre canard ! (ou faites payer la crise aux retraités, aux handicapés et aux employés)

PMoïra Dalant
@21 Déc 2009

Dénonciation. Contestation ironique. Humour ? La galerie Laurent Godin présente un artiste belge pour une exposition qui pose des questions d'ordre politico-sociales sous formes de dessins et de sculptures ironiques et peut-être un peu dénonciatrices.

L’emblème actuel de l’artiste belge? Le plus grand «gripsou» qui ait jamais bercé notre enfance avec ses grimaces et ses vices à peine cachés de capitaliste affirmé, je nomme: Balthasar Picsou.
Sven’t Jolle développe le thème dans une série de sculptures et de dessins «préparatoires» qui s’inscrivent parfaitement dans notre monde financier et de consumérisme en crise. Le choix de l’oncle Picsou, le canard «le plus riche du monde», plutôt que celui de son neveu aventurier un peu naïf, est bien le choix d’une critique ironique du monde du business international, celui du marché de l’art étant à inclure dans le lot. Son ironie est frontale, sans concession, et c’est tant mieux.

La démarche artistique de Sven’t Jolle passe d’abord par le dessin, par l’accumulation de croquis qui se répondent, prennent vie, et tissent le fil d’un récit les uns avec les autres, pour ensuite se développer dans la troisième dimension avec pour matériau privilégié l’argile, le modelage.

Son Å“uvre fourmille de références à l’actualité politique, sociale, et artistique. Là une allusion à une phrase perdue (insolite, très incongrue) de notre président français dans (Casse-toi alors) Pauvre C[anard], ailleurs un clin d’œil aux marques de supermarchés qui peuplent nos villes : Aldi, Lidl, Auchan, Carrefour… dans un dessin intitulé Sketchbook Drawing. Savoir survivre avec plus de 15 000 EUR par jour, ou encore la présence une jeune fille d’argile au bras levé, à l’allure «archaïque» ayant pour modèle explicite un bas-relief de Derain.

Ses sculptures, ses sujets et ses discours sont sans aucun doute les marques d’un engagement quotidien de Sven’t Jolle dans l’art et dans la société. La création artistique et la vie (de tous les jours) s’interpénètrent et s’inspirent réciproquement dans l’oeuvre de Sven’t Jolle.
Idée qui est très justement illustrée dans Bauhaus notamment, un «sketchbook drawing» (aquarelle et crayon) qui représente une banale caissière de supermarché et dont le titre évoque pourtant cette célèbre «école» d’architecture et design des année 1920 en Allemagne.
Ou encore la petite femme de ménage reluisant un probable Maillol dans Claire et nette, petite silhouette quasi transparente, presque oubliée, derrière l’œuvre d’art…

Laurent Godin nous offre une exposition haute en couleur et en ironie, qui semble se donner pour point d’honneur de provoquer un sourire chez ses visiteurs avec, cerise sur le gâteau, l’envie de repenser le monde qui nous entoure. Art politique? Non, mais engagé dans la vie politique au quotidien, voire dans la vie tout court.

Liste Å“uvres (non exhaustive)
Sven’t Jolle
— Sven’t Jolle, Personnage au bras gauche levé (d’après A. Derain), 2008. Pièce unique. Pigment, plâtre, bois, bidon en PVC. 166 x 60 x 60 cm.
— Sven’t Jolle, (Casse-toi alors) Pauvre canard, 2009. Pièce unique. Métal, plâtre, plumes, bitume. 167 x 370 x 75 cm.
— Sven’t Jolle, Détournement / ta santé, 2009. Résine époxy. 186 x 80 x80 cm.
— Sven’t Jolle, Sketchbook drawing, Le pauvre canard et la grande déconfiture, 2009. Fusain, pastel, peinture à la bombe, encre et crayon sur papier. 40,5 x 51,5 cm.
— Sven’t Jolle, Sketchbook drawing – Savoir survivre avec plus de 15 000 EUR par jour, 2005. Aquarelle, collage, ruban adhésif et crayon sur papier. 40,5 x 31,6 cm.
— Sven’t Jolle, Bauhaus, 2009. Aquarelle, crayon. 51 x 42 cm.
— Sven’t Jolle, Claire et nette, 2009. Crayon, encre, peinture à la bombe. 51 x 37 cm.

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