— Directeur de la publication : Nicolas Roméas
— Parution : printemps 2004
— Format : 30,50 x 24 cm
— Illustrations : quelques, en noir et blanc
— Pages : 71
— Langue : français
— Prix : 8 €
Éditorial
par Nicolas Roméas
Encore dans les jupes de ma mère, je détestais déjà cette notion de spectacles «pour enfants» ou pudiquement nommés «tous publics», qui cache souvent un infantilisme presque méprisant, porté par une pauvre vision d’adulte.
Il m’est rarement arrivé d’être «déçu en bien», (comme disent les Suisses et Jacques Livchine) lors de ces spectacles formatés pour un imaginaire faussement enfantin, produits par des adultes peu imaginatifs.
Pour un Burattini, drôle, intelligent, provocateur, subvertissant avec talent l’imagerie vieillotte de Guignol et retrouvant sa force initiale, pour une géniale Ilka Schönbein, qui n’hésite pas à faire s’affronter l’imaginaire des gosses et l’horreur du monde, pour un marionnettiste inconnu qui a compris et retrouve en lui-même leur goût pour le jeu de la magie, de la cruauté et du délire, combien de sous-produits, parfois fabriqués de façon quasi industrielle par des employés surexploités, continuent à prendre les enfants pour des imbéciles ?
Les temps ont changé, pourtant. Beaucoup de nos catégories datées semblent fortement remises en cause. Mais les formatages imposés par ce système social restent plus forts que toutes les tentatives de réinventions.
Le théâtre de rue après avoir tenté de bouger les repères de la ville, est redevenu un spectacle comme un autre, simplement déplacé de son architectonie classique.
Le cirque, après avoir fui sa sclérose et tenté de coller à son temps, a lui aussi fini, en devenant «nouveau», par devenir un peu vide et ennuyeux. Et rares sont ceux qui se sont attaqués à cette catégorie, au fond presque intouchable, le terrain «sacré» de l’enfance.
Comment en est-on arrivé là ? Comment en est-on venu à considérer, comme ce fut le cas pour les contes et pour la marionnette, comme le montre la triste histoire de Guignol, inventé par les canuts de la Croix-Rousse et aujourd’hui condamné aux jardins publics et aux bandes enregistrées, que l’enfant est une sorte de sous-homme ? Alors que nous le savons bien, notamment avec Freud, il est porteur de toutes nos puissances. Et les plus grands artistes du siècle (et du précédent) le savaient, qui puisèrent passionnément dans ces réserves longtemps oubliées.
Quelle image collective de l’enfance portons-nous, pour que le conte et la marionnette, ces outils sociaux, politiques et spirituels, soient devenus, avec le temps, des formes considérées comme affaiblies, méprisées au fond par les adultes ?
(Texte publié avec l’aimable autorisation de Cassandre)