— Directeur de la publication : Nicolas Roméas
— Parution : mars-avril 2003
— Format : 30,50 x 24 cm
— Illustrations : quelques, en noir et blanc
— Pages : 52
— Langue : français
— Prix : 5,50 €
Éditorial
par Nicolas Roméas
Cassandre décentralise avec plaisir. C’est dans sa nature. Elle le fait naturellement, depuis ses débuts. Cassandre la Parisienne aime fouiner, débusquer la noblesse de la démarche et du geste là où d’autres ne s’aventurent pas encore (ou ne s’aventureront jamais).
Décentraliser, pour elle, ce n’est surtout pas niveler par le bas au prétexte d’une « demande » superficielle.
Décentraliser, pour elle, c’est chercher des truffes, ou de l’or, débusquer le meilleur de ce qui se concocte à l’abri des sunlights et tente, dans l’ignorance des signatures de la presse dite « grande », de répondre à un besoin essentiel.
Où en sommes-nous d’un art décentralisé par nature, car né du monde rural, qui nous a toujours fortement intéressés dans la mesure où il échappe aux phénomènes de mode dont les grands centres urbains sont la proie ?
Art aux multiples visages, fruit de singularités mieux acceptées loin des villes, expression d’une communauté, ou du besoin d’exil d’artistes urbains en mal de nouveaux espaces physiques et mentaux. Jean Bojko, Denis Tricot, Danièle Jacqui, Le Taller… La campagne, terreau d’une vraie « diversité culturelle » ?
Ces formes, souvent négligées et mal perçues, sont à nos yeux porteuses d’une part essentielle de l’héritage collectif des pratiques de l’art. Elles le sont par nécessité, par l’éloignement des « grandes centrales de fabrication du goût  » (médias nationaux, discours et vogues élaborés à Paris ou dans d’autres grandes villes françaises et internationales), par le lien obligé qu’elles entretiennent souvent avec une communauté donnée.
Les paradoxes soulevés par cette idée de décentralisation sont liés à la notion de démocratie culturelle. Du « populaire » on risque toujours de glisser vers le populisme. Si ce qui se passe loin du « centre » peut bénéficier d’un salutaire espace d’« authenticité », nous manquerions à notre mission en n’y apportant pas notre regard et nos exigences. L’aller-retour est essentiel. Ne l’oublions pas: la force de la décentralisation théâtrale menée par Jeanne Laurent avec Jean Dasté, Hubert Gignoux, Michel Saint-Denis et consorts – l’esprit du Cartel – résidait en une volonté décentralisatrice… parisienne.
Ce qui nous amène à la publication du premier cahier REFLEX(E). Nous le savons et le disons depuis assez longtemps, la décentralisation culturelle, dont les enjeux sont à l’origine de notre combat, touche aujourd’hui en France à ce point du parcours où les meilleures intentions finissent par produire leurs effets pervers.
Il nous semble important d’initier un véritable débat national sur cette question fondamentale. C’est pourquoi le groupe REFLEX(E), composé d’acteurs culturels et artistiques d’univers différents, a pris l’initiative de publier un certain nombre de réflexions (libres, pas forcément convergentes) pour amorcer ce débat.
(Texte publié avec l’aimable autorisation de Nicolas Roméas)