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Casanova forever. Paul-Armand Gette

Giacomo Casanova, Histoire de ma vie, volume IV, chapitre 6

«Ce casin était composé de cinq pièces, dont l’ameublement était d’un goût exquis. Il n’y avait rien qui ne fût fait en grâce de l’amour, de la bonne chère, et de toute espèce de volupté. On servait à manger par une fenêtre aveugle enclavée dans la paroi, occupée par un porte-manger tournant qui la bouchait entièrement. Les maîtres et les domestiques ne pouvaient pas s’entrevoir.

Cette chambre était ornée de glaces, de lustres, et d’un superbe trumeau au-dessus d’une cheminée de marbre blanc, tapissée de petits carreaux de porcelaine de la Chine tous peints, et intéressants par des couples amoureux en état de nature qui par leurs voluptueuses attitudes enflammaient l’imagination. Des petits fauteuils étaient à l’avenant des sofas qui étaient à droite et à gauche.

Une autre chambre était octogone toute tapissée de glaces, pavée et plafonnée de même; toutes ces glaces faisant contraste rendaient les mêmes objets sous mille différents points de vue. Cette pièce était contiguë à une alcôve qui avait deux issues secrètes, un cabinet de toilette d’un côté, de l’autre un boudoir où il y avait une baignoire, et des lieux à l’anglaise.

Tous les lambris étaient ciselés en or moulu, ou peints en fleurs, et en arabesques. Après l’avoir averti de ne pas oublier de mettre des draps dans le lit, et des bougies sur tous les lustres et sur les flambeaux dans chaque chambre, je lui ai ordonné à souper pour deux personnes pour le même soir l’avertissant que je ne voulais autre vin que bourgogne et champagne, et pas davantage que huit plats de cuisine, lui laissant le choix sans pardon à la dépense.

Le dessert devait aussi être son affaire. Prenant la clef de la porte de la rue je l’ai averti qu’en entrant je ne voulais voir personne. Le souper devait être prêt à deux heures de la nuit, et on le servirait quand je sonnerais. J’ai observé avec plaisir que la pendule qui était dans l’alcôve avait un réveil, car je commençais malgré l’amour à devenir sujet à l’empire du sommeil. Après avoir donné ces ordres je suis allé acheter des pantoufles et une coiffe de nuit chez une marchande de modes toute garnie de doubles dentelles de point d’Alençon.

Je l’ai mise dans ma poche. S’agissant de donner à souper à la plus belle de toutes les sultanes du maître de l’univers, j’ai voulu m’assurer la veille que tout serait en ordre. Lui ayant dit que j’avais un casin, je ne devais lui paraître nouveau en rien.»

Casanova ?

De l’image pas très nette du faux chevalier de Seingalt, je ne retiendrai que le rôle qu’y joue la séduction que les femmes ont exercée sur lui. C’est peut-être une manière inhabituelle d’aborder le personnage ou le problème,mais c’en est une pour traiter le sujet à contre-sens
en quelque sorte.

C’est un peu facile d’établir une réputation et de lire les histoires, surtout quand elles sont racontées par le «héros» lui-même, la tentation est alors grande d’en rajouter et d’embellir le quotidien… C’est la femme séductrice que nous allons donc tenter de montrer plutôt que les assauts ou le côté louche du Vénitien, car en dépit de ce que nous livrent ses écrits, il fut sans doute aussi séduit que séducteur.

Après tout il était peut-être comme ces papillons de nuit qui sont attirés par les phéromones qui les tiennent en laisse ou par l’odeur de rose des loukoums qu’il offrait sans doute à celle qu’il appelait «la plus belle de toutes les sultanes»! Et si c’était les femmes qui l’avaient inventé? La question est posée, à vous de choisir la réponse.

Comme je n’ai nulle envie d’évoquer le passé et que je suis persuadé de la pérennité des comportements séducteurs, c’est aujourd’hui que je vais en chercher les traces pour vous les montrer. 

Texte paru dans le catalogue de l’exposition «Casanova forever» (Commissaire: Emmanuel Latreille, directeur du Frac Languedoc-Roussillon).
Emmanuel Latreille et Jean-Claude Hanc (dir.), Casanova forever, Éditions Dilecta (Paris) et Frac Languedoc-Roussillon (Montpellier), juin 2010, 328 p.

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