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Casanova forever

Comment aborder les rivages de l’art sinon en se laissant conduire par le guide audacieux et léger, drôle et profond, lointain et touchant qu’est Casanova?

Information

Présentation
Jean-Christophe Bailly, Corinne Rondeau, Sandra Caltagirone, Timothée Chaillou, Maria Fusco, Cyril Jarton, Vincent Labaume, Pierre Manuel, Rüdiger Schöttle, Christian Pantzer, …
Casanova forever

Extrait de Grout, Mazéas, What Do You Know About Operation Nightfall? Corinne Rondeau, «Casona Vertigo». Histoire de ma vie, IV, 16
Grout/Mazéas ont le sens de la pesanteur, mais avant Newton et après le cinéma burlesque. Leur observation du cinéma ne s’encombre pas de principes pour faire tomber les corps en tout genre: sirop de glucose coloré ou cascadeurs. S’ils s’entêtent à mettre en boucle des clichés ou à les détourner, ce n’est pas avec sérieux, sinon celui de Hamburger film sandwich ou de La dialectique peut-elle casser des briques?! Ils aiment les clichés pour mieux les traverser et, avec le motif récurrent de tout ce qui tombe avec rapidité ou lenteur selon l’effet de gravité sur les corps qu’ils mettent en scène, un certain sérieux de l’art qui voudrait nous donner des principes pour le penser.

S’ils aiment Hitchcock et Brian de Palma à la fois et entre autres, on ne peut pas s’empêcher de penser, pour le coup, qu’ils sont moins passionnés par l’idée de refaire — remake — que par le plaisir d’une dérobade. Se dérober, c’est prendre des clichés au sens de ce qui marque la mémoire des spectateurs — de quoi se souvient-on à propos de Vertigo sinon d’une série de chutes et avec elles les effets des zooms et des travellings de la caméra? — et se soustraire au contenu pour
mieux jouer des effets sur les formes. 



Chez eux, la chute n’est pas métaphysique, elle est purement et simplement une physique: ça tombe! Et après? Ça recommence! L’effet de la boucle qu’ils avaient élaboré très serré dans un remontage de la séquence d’ouverture de The Party de Blake Edwards avait comme conséquence non de rejouer le rire de la scène, mais de vider la séquence de sa narrativité pour n’être que sur ce corps qui jouit d’un jeu d’enfant —ne jamais mourir—, et d’acteur amateur —ne jamais sortir du champde l’image. Le Peter Sellers de Grout/Mazéas s’est dérobé à la scène et à l’identité du personnage gaffeur, il n’est plus un acteur indien jouant un soldat indigène pour un remake. Il est au contraire une extraction et une quintessence d’un corps qui joue à être un corps. 



On ne s’encombre pas d’histoires, une anecdote suffit: un pas grand-chose qui est aussi le moment où l’action, dans ce qu’elle a de plus réduit à l’égard du récit, devient l’expression de la tarte à la crème. La tarte à la crème du burlesque, ce n’est pas le gros rire bien gras mais l’idée d’un réel densifié. Le burlesque est l’art du concret: le monde est dur, les corps chutent parce qu’ils sont soumis à une physique.

C’est par cette dérobade que Grout/Mazéas affrontent une figure qui est passée par le cinéma et qui, si elle n’était pas l’occasion d’une proposition d’exposition, ne serait pas entrée dans le palmarès de leur goût pour les durs comme le Clint Eastwood de Dirty Harry, les très méchants comme le monstre d’Alien, les très effrayants comme les flots de sang de Shining. Ainsi Casanova. De Casanova, on ne s’étonnera pas de voirGrout/Mazéas se saisir de la seule aventure qui pouvait les séduire: l’évasion de la prison des Plombs à Venise, prison jouxtant le Palais des Doges et dont les toits étaient considérés comme inviolables.



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