ART | CRITIQUE

Casanova forever

PDavid Raffini
@22 Juil 2010

L’art d’Olinet, comme celui de Moget, est un art de la vanité: des vanités tranquilles qui, comme pour Casanova, désignent sans angoisse la «postérité» que visent tous les vrais artistes.

L’oeuvre picturale de Piet Moget a pour motif un site unique, depuis qu’il est venu habiter près de la Grande Bleue, dans les années 1950: la mer, telle qu’elle se laisse «imaginer», par-delà le quai du canal principal de Port la Nouvelle.

C’est toujours au même emplacement, sur la route qui le longe, que l’artiste gare son camion-atelier, pour de longues journées de travail, par tous les temps. La seconde berge du canal qui lui fait face coupe le paysage en deux, divisant le monde en un premier plan d’eau bordé de rocaille et un plan de ciel changeant.

La mer est ainsi, en tant que telle, invisible, comme à peine suggérée dans cet «entredeux» dessiné par la solidité du canal et l’infinité de l’air. Cette perception de l’infini est aussi la conséquence d’un souvenir: celui de tout enfant qui, approchant la mer pour la première fois, l’entend (et peut-être même la sent…), mais ne la voit pas.

Rien d’impressionniste donc dans les peintures de Piet Moget, mais plutôt une méditation concrète sur la mystérieuse et profonde complexité de l’espace qui nous environne. Vincent Olinet appréhende lui aussi la question de l’eau, élément qui traverse les corps ou les englobe lorsqu’ils viennent s’y noyer!

Après moi le déluge est une arche qui «respire» de l’eau, comme une étrange créature mythique échouée sur les berges du temps, mais dont l’origine serait non seulement antérieure à toute histoire, mais située en dehors du cours du monde. Vincent Olinet a-t-il réussi ici une oeuvre «intemporelle», se plaçant lui-même, en toute innocence (et une légère insolence…), dans la rare famille des «éternels»?

Je ne peux pas faire de miracles
, déclarent plus modestement les aquariums également sombres et silencieux qui nous plongent, d’une autre façon que l’arche, devant l’étrange beauté de la mort. L’art d’Olinet, comme celui de Moget, est un art de la vanité: des vanités tranquilles qui, comme pour Casanova, désignent sans angoisse la «postérité» que visent tous les vrais artistes.

Texte paru dans le catalogue de l’exposition «Casanova forever» (Commissaire: Emmanuel Latreille, directeur du Frac Languedoc-Roussillon).
Emmanuel Latreille et Jean-Claude Hanc (dir.), Casanova forever, Éditions Dilecta (Paris) et Frac Languedoc-Roussillon (Montpellier), juin 2010, 328 p.

 

AUTRES EVENEMENTS ART