PHOTO

Carte Blanche, Mexico

Pg_PicSaintLoup16Paysages02bLeBorgne
@12 Jan 2008

La Galerie Kamel Mennour présente la récente série «Mexico», de Martin Parr, dans laquelle les clichés se confondent avec les signes ordinaires d’une standardisation à l’échelle mondiale.

Collectionneur en série, outsider de la middle-class britannique, le photographe Martin Parr traque les mises en scènes grotesques qu’il puise au fil de ses voyages et nous livre ainsi, plans serrés et couleurs criardes à l’appui, un travail documentaire atypique axé sur nos sociétés standardisées, où le consumérisme effréné déjoue les particularités culturelles…

Parr reconnaissable entre tous. Dès l’entrée de la galerie, le regard est happé par une photographie de pâtisseries colorées peu alléchantes, voire même douteuses à la vue des nombreuses mouches qui les peuplent. Gros plans scrutateurs, détail «qui tue» et photographie «flashy» où transpire le mauvais goût ont forgé le style de Martin Parr, identifiable au premier coup d’œil. Si ses premiers clichés de la fin des années 60 sont en noir et blanc, Parr adopte la couleur à partir des années 1980, notamment pour «The Last Resort», reportage sur la station balnéaire de New Brighton, où le fish and chips et l’huile suintent à plein cadrage.

Même style, mêmes sujets: la récurrence chez Parr se fait internationale et indémodable. Au sein de l’exposition, le registre alimentaire, pour ne pas dire de la «malbouffe», est partout. Clichés de gâteaux dégoulinants, d’entassement de bouteilles vides ou de drôles de mets en forme de crâne ressuscitent à leur façon le genre de la nature morte, le tout servi par une lumière crue, sans complaisance, rendue possible par l’utilisation du flash en plein jour.
Un tel traitement confère aux mordants détails une importance toute particulière, les dégageant ainsi de l’amoncellement orgiaque représenté. Car le plus souvent Martin Parr, collectionneur émérite de cartes postales, de babioles et d’objets kitsch, photographie sous le mode pluriel et rend de la sorte compte d’ une œuvre qui se façonne autour des prismes de l’accumulation et de la répétition.

Accumulation de petites voitures prises sur le vif aux côtés de véritables véhicules, multiplicité de chapeaux étalés en vitrines, la présence des objets, fragments témoins d’une homogénéisation grandissante, est obsessionnelle. Métonymie de la standardisation à l’échelle la planète, ces petits riens, par leur rengaine compulsive, tissent la trame d’un grand Tout.

Qu’en est-il de Mexico, si sont autant dévoilées les similitudes qui existent d’un pays à l’autre? L’iconographie de cette dernière se révèle au travers d’un cliché représentant un touriste qui, appareil en main, est en train de prendre une photo d’on-ne-sait-quoi, le dos tourné à la grande pyramide de Chichen Itza, ici traitée en arrière-plan théâtral.
Cette scène de genre cocasse s’inscrit dans un autre sujet de prédilection de Martin Parr, à savoir les stéréotypes du tourisme de masse, qu’il a auparavant observés aux quatre coins du globe, du Parthénon à la tour de Pise, de Paris à Venise. Contrairement aux précédents clichés de la sorte, le sujet est isolé, loin de son groupe de compatriotes. C’est d’ailleurs la seule figure humaine de l’exposition.

Peu à peu, l’identité mexicaine se découvre au travers d’une véritable confrontation sacré-profane, traduite ici par d’ironiques juxtapositions visuelles. En ligne de mire, la vierge Marie et les fastfood Mc Donald’s, Coca Cola vs Jésus. Martin Parr a rejoint l’agence Magnum dans les années 1990. Avec lui, le regard d’auteur n’est en aucun cas compatissant et nourrit subtilement l’approche documentaire, comme l’atteste le cliché d’un paisible cactus affichant là encore une enseigne Coca cola. Un paysage certes: celui de l’étendue des dégâts d’un quotidien prédigéré. 

Martin Parr
— Série Mexico. Photographies couleur. 73 x 48 cm. 150 x 100 cm.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO