Cinq ans après Synchronicity (2012), la chorégraphe Carolyn Carlson remet son ouvrage sur le métier pour tisser une nouvelle pièce. Spectacle pour six danseurs, Crossroads to Synchronicity (2017) revisite le premier opus, pour n’en garder que la poésie, la lumière. Inspiré par la notion de synchronicité, de Carl Gustav Jung, Crossroads to Synchronicity rejoue l’impromptu, en accentue la magie. Dans les travaux du psychiatre Carl Gustav Jung, la synchronicité désigne la sensation liée aux moments où, selon l’expression consacrée, le hasard fait bien les choses. Une rencontre aussi fortuite qu’inespérée… Tomber précisément sur l’objet ou le mot ardemment recherché (par terre, sur une affiche, etc.)… L’apparition d’un symbole, d’un signe, juste après ou au moment même du décès d’un être aimé… La synchronicité intervient dans des moments de réceptivité intense, de crise. Elle tisse des liens profonds.
Crossroads to Synchronicity de Carolyn Carlson : de la sensibilité à la synchronicité
Plongeant dans cette texture émotionnelle, Crossroads to Synchronicity [Les croisées de chemins qui mènent à la synchronicité] palpite d’un rythme aux évocations chorégraphiques sensibles. Véritable langage mimé, l’écriture chorégraphique de Carolyn Carlson dessine ainsi des paysages où affleure l’inconscient. Dans son désir de convoler avec le conscient. Une forêt de signes, à travers laquelle évoluent les six danseurs — Juha Marsalo, Céline Maufroid, Riccardo Meneghini, Isida Micani, Yutaka Nakata, Sara Orselli. Sur une composition musicale de Nicolas de Zorzi, les corps virevoltent, désignent, dessinent, tombent à genoux, se relèvent… Dans un flux quasi-incessant d’évocations. Au sein d’un décor simple, rappelant l’intérieur d’un lieu de vie. Une porte, une table, des chaises : voici le lieu de l’intime, de la rencontre. Entre repas de famille et Cène biblique, les symboles affluent. Toute la question étant alors de savoir à quel moment tel symbole devient celui d’une synchronicité.
Une forêt de signes chorégraphiques : danser le hasard pour en concentrer l’intensité
Virtuose des émotions et de la beauté chorégraphique, Carolyn Carlson peuple la scène de danseurs et danseuses aux chevelures longues et flottantes, aux habits fluides. Créant ainsi une ronde vertigineuse, où la saccade franche et tranchée, presque tragique, trouve son contrepoint dans la fluidité des éléments. Dynamique et enlevée, la pièce Crossroads to Synchronicity déploie liens et rencontres entre des corps, entre des gens. Tandis qu’une vidéo accompagne le mouvement des danseurs, de son déroulement prédéfini. Avec des séquences filmiques de danse, où là encore des personnages se rencontrent, se percutent, se séparent, se retrouvent. Si le caractère d’absolue unicité est ce qui caractérise pour partie la synchronicité, ici Carolyn Carlson relance les dés, sans abolir le hasard. Ou peut-être, si, pour abolir le hasard. En livrant une pièce pointue et aiguisée, sur un phénomène aussi magique que difficilement saisissable. Pour une relecture d’un spectacle-clef : Synchronicity.