On le sait depuis quelques décennies, l’espace de la galerie ne suffit plus. Si les artistes en sont sortis, s’appropriant avec réussite l’espace public, Carlos Kusnir a sa propre vision du hors-les-murs : plutôt que de s’en échapper, il préfère recouvrir les murs. Ou pour être plus juste, il préfère dédoubler l’espace, impliquant dans son montage, l’accrochage et la lecture de ses peintures.
Son exposition chez Valentin pose ainsi la question de la validité des cimaises traditionnelles. Sont-elles encore pertinentes pour la présentation des œuvres du XXIe siècle? Si l’art repousse sans cesse les frontières de sa définition, peut-on en dire autant des supports qui le reçoivent?
En les répétant, en les peignant comme il peint des tableaux, Carlos Kusnir focalise manifestement l’attention sur les murs. Pas en tant qu’œuvre d’art, plutôt comme lieu de tous les paradoxes de l’accrochage.
Car l’intérêt de son travail, pour cette exposition comme pour l’ensemble de son œuvre, se situe là , dans l’accrochage, c’est-à -dire dans les modalités plus ou moins autoritaires de la mise à disposition de l’œuvre.
Pour Carlos Kusnir, l’œuvre exposée est en constante dualité. Elle bataille entre autonomie et faculté naturelle à se fondre dans un ensemble plus vaste, à répondre au projet d’une «écriture» ou d’une mise en scène.
Nous retrouvons donc les tableaux accrochés ici sur les parois en bois ou bien posés au sol, en attendant l’incontournable turn over d’une nouvelle disposition. Carlos Kusnir invite à franchir le décor, à contourner les tableaux et les cimaises. De l’autre côté, les piétements ne dissimulent rien de la fragilité de la structure et se faisant, ne dissimule pas non plus la supercherie ou ce qu’on pourrait appeler le simulacre de l’exposition.
Et si les murs ploient sous l’échec de la mise en scène, les tableaux lui suivent immanquablement.
Derrière la malice d’une entreprise qui emprunte autant à Dada qu’aux investigations muséographiques des constructivistes (en premier lieu El Lissitzky), Carlos Kusnir porte sa réflexion sur la destination de l’œuvre, les conditions de sa rappropriation par le spectateur, sur l’inévitable spectacle de sa mise à nu. Une leçon à méditer à l’heure de la «spectacularisation» forcenée de l’art.
Carlos Kusnir
— « Sans titre », 2007. Acrylique sur bois. 550 x 272 x 220 cm
— « Sans titre », 2006. Acrylique sur bois. 60 x 46 x 1,5 cm
— « Sans titre » (jumeaux), 2006. Acrylique sur bois et dispositif sonore. (60 x 46 cm) X 2
— « Sans titre », 2007. Acrylique sur bois. 420 x 141 x 251,5 cm
— « Sans titre », 2006. Acrylique sur bois. 65,2 x 46, 2 x 1,5 cm