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Canopée

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@20 Jan 2011

A la galerie Voies Off d'Arles, Geoffroy Mathieu expose des photographies en couleur de lieux, d'animaux, d'objets et d'êtres humains. Aucune tentation de rendre compte de l'extraordinaire, aucune volonté de documenter le réel, mais davantage une poétique de l'ordinaire, un désir de fixer l'image à la surface du réel.

Les clichés juxtaposés oscillent sans intention narrative entre des plans élargis du vaste monde et des effets de zoom sur un monde plus proche.
Le spectateur est confronté à des extrêmes: d’une route enneigée au milieu des bois à l’arrière-train d’un animal. Puis suivent des variations d’instants accentuées par des effets de cadrage.
Le sujet est abordé de face, comme cette fillette qui fronce les sourcils, puis l’objectif se décale et plonge dans les cheveux d’un personnage, comme dans les sillons d’un paysage. Jamais le regard n’est prisonnier d’un même dispositif de prise de vue, dès lors s’établi un rapport intime et particulier au monde.

Les images de Geoffroy Mathieu restent à la surface, comme si le réel, et singulièrement l’ordinaire le plus ténu, ne pouvaient être qu’à peine dévoilés, jamais déflorés.
Le travail de Geoffroy Mathieu se situe donc à l’opposé des photographies d’Antoine d’Agata ou de Mickaël Ackermann qui recherchent davantage la transgression ou l’expérience des limites.

On a ici davantage l’impression que le photographe s’est approché de ses sujets à pas feutrés, dans une volonté de surprendre et de suspendre le «presque rien» de la vie.
Les regards semblent absorbés. Certains échappent aussi à l’objectif, comme celui de cet enfant vu de dos se baignant dans l’eau, ou comme ceux de personnages qui reposent allongés sur le sol. Tout semble en état de latence dans ce monde calme.

Dès lors, le rapport intime au réel passe aussi par l’attente pour un spectateur qui se doit d’être patient devant cette poésie qui va surgir ou qui est peut-être déjà là sur la pellicule des images. Cette table avec ses assiettes blanches, ce cerceau fuschia accroché à un arbre, cette serpillère pendue entre deux arbres, nous conduisent à une redécouverte contemplative presque étrange.
Étrange parce que le monde de Geoffroy Mathieu nous plonge dans une vision primitive de notre univers. Nous connaissons tous ces instants, nous les vivons, nous parcourons ces territoires, et pourtant notre regard semble vierge, comme en territoire inconnu.

Ponctuée d’images d’enfants et de vues qui fonctionnent comme des miroirs grossissants du réel, de l’autocollant d’un cerf sur la portière d’une fourgonnette blanche, aux insectes sur le bas ventre d’un animal en passant par des lettres B21 peintes sur le béton, cette exposition rend compte du moindre-signe qui fait sens parce qu’il est redécouvert en toute innocence, dans son état quasi originel.
Et dans l’affiche de l’exposition, à savoir une tête de chien renversée en arrière, nous éprouvons la sensation que la chair de l’image caresse le réel.

— Geoffroy Mathieu, série «Canopée», 2009. Tirages jets d’encre, cadre noir sans verre. 26,6 x 40 cm

Publication
— Geoffroy Mathieu, Un mince vernis de réalité (livre/coffret), Ed. Filigranes, 2005

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