Chaque année l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts (Ensba) de Paris décerne le «Diplôme national supérieur d’Arts plastiques» aux élèves en fin d’études. En 2006 quatorze d’entre eux ont obtenu en sus les félicitations du jury. Ce fameux jury était l’an passé composé de deux directeurs de centres d’art (Thierry Raspail, directeur du musée d’art contemporain de Lyon, président du jury, et Claire Le Restif, présidente du Crédac, Centre d’Art contemporain d’Ivry) et de deux artistes (Daniel Firman et Regine Kolle).
L’exposition des travaux des élèves, que les responsables de la manifestation désignent comme un «redoutable privilège», est une occasion pour ces artistes de montrer aux amateurs, et peut-être à de futurs marchands, l’étendue de leur talent, mais également pour l’Ensba un moyen de mettre en valeur les fruits de sa pédagogie.
Le titre de l’exposition, «Cadrage/Débordement», fait référence à une technique rugbystique qui consiste à courir vers l’adversaire pour le «déborder» sur le côté et l’atteindre. Il résume ainsi la volonté du commissaire de l’exposition et président du jury, Thierry Raspail, de montrer par les œuvres sélectionnées des exemples d’une création contemporaine tous azimuts, dynamique, faite de décalages par rapport au «post-modernisme» agonisant.
Sur le registre du journal intime, combiné à l’esthétique du cabinet de curiosité, l’exposition ouvre sur une impressionnante installation de Corinne Van, au titre mystérieux, Être humain et Êtres humains et humaines. Exposition pour Alice Miller, une être universelle. Pour et avec Koh, Marc Petit, Jeff Smith (pas d’art sans cœurs) (2006-2007): l’artiste rend hommage à la psychanalyste Alice Miller, spécialisée dans les problèmes de la petite enfance, en accumulant de manière obsessionnelle, évoquant parfois l’art brut, des objets, photos et notes griffonnées recensant tous les micro-évènements de sa vie.
De même pour Julie Genelin, sa vie propre est la matière première de son travail: cassettes vidéos et photos disposées dans un cabinet de curiosité sont mises à disposition du spectateur et manipulables, permettant une intrusion dans la vie de l’artiste. Celle-ci est l’auteure d’une œuvre monumentale de sept mètres de hauteur: Calendrier (1999-2007) est le résultat d’un collage de cartons d’emballages, classés par date de péremption, formant un immense manifeste critique de la (sa) surconsommation.
La sculpture est présente grâce à Nicolas Giraud, qui explore les capacités techniques et esthétiques de matériaux divers, plus ou moins «nobles» (grès, acier, récupération de barrières métalliques, etc.), Julien Laforge, créateur d’énigmatiques structures inspirées d’engins d’exploration sous-marine, ou Aurélie Girard, qui dans ses sculptures en équilibre se joue des caractéristiques techniques des matériaux.
Plus formaliste est le travail du peintre Samuel Richardot, dont les toiles légères à la mise en page équilibrée évoquent la douceur de l’aquarelle, de Marlène Mocquet, qui invente des personnages hybrides, pris dans la tourmente de sa peinture, ou du photographe Nicolas Dion, auteur d’une réflexion sur les «non-lieux» proche de la démarche d’un Jean-Luc Moulène.
L’installation de Pierre Guy rend compte de la poésie du paysage urbain nocturne grâce à une installation, L’Etat empire (2007), constituée de diodes et de composants électroniques d’où surgit la notion de merveilleux, sensible aussi dans le travail d’Astrid Méry Sinivassin, créatrice d’«animaux-sculptures» en tissu et d’eaux-fortes de personnages mi-hommes mi-animaux d’un grand raffinement.
Une grande poésie émane également du travail sur le jeu des apparences d’Estefania Penafiel Loaiza, qui se sert d’empreintes de doigts pour former des messages presque invisibles, ou présente dans une lumière rouge des images violentes, de la même couleur, donc tout autant invisibles…
Enfin les vidéos de Farid Mekbel et celles de Marie Preston nous replongent dans le réel de manière salutaire: le premier réalise des montages rapides et spectaculaires d’images de la «jungle urbaine» et d’évocations du racisme latent subi par la jeune génération issue de l’immigration maghrébine; la seconde rappelle son expérience au sein d’une association de femmes maliennes, «tissant des liens» réellement (par l’exécution d’un tissu malien) et métaphoriquement.
A noter que deux prix seront remis le 20 juin prochain à deux élèves diplômés en 2007: le Prix Start 2007, décerné par Hiscox, et le Prix Jeune Espoir Nicolas Feuillatte.
Nicolas Dion
— Sans titre, 2005. Photographie couleur. 115 x 145 cm.
— Poteau d’angle, 2005. Photographie argentique noir et blanc. 145 x 100 cm.
Nicolas Giraud
— Popopost, 2006. Installation grès porcelainique. 300 x 200 x 100 cm.
Pierre Guy
— Tunnelier (détail), 2006. Image de synthèse. 6000 x 36000 px.
Farid Mekbel
— Redondance Cyclique, 2006. Vidéo / Son. 4’25’’.
— Horizon Vertical, 2006. Vidéo / Son. 4’02’’.
— Bleu / Blanc / Rouge, 2006. Vidéo / Son. Triptyque 2’49’’/2’33’’/2’07’’.
— Généalogie d’un vocable, 2006. Vidéo / Son. 3’01’’.
Marlène Mocquet
— Le diable noir, 2005. Huile sur toile. 25 x 25 cm.
— Cour de tennis, 2005. Acrylique sur toile. 20 x 20 cm.
— Le scarabée, 2006. Technique mixte sur toile. 110 x 110 cm.
— La fraise, 2006. Technique mixte sur toile. 130 x 130 cm.
— La pomme, 2006. Technique mixte sur toile. 150 x 150 cm.
— Lionel et ses amies, 2005. Technique mixte sur toile. 55 x 46 cm.
— Le téléphone à pied, 2005. Technique mixte sur toile. 55 x 46 cm.
— L’oiseau bleu, 2005. Huile sur toile. 27 x 22 cm.
— La maison jaune fluo, 2006. Technique mixte sur toile. 35 x 27 cm.
— Jumeau, 2006. Technique mixte sur toile. 60 x 80 cm.
— La femme volcan, 2005. Technique mixte sur toile. 55 x 38 cm.
— La lune, 2006. Technique mixte sur toile. 50 x 50 cm.
— La cartomancienne, 2005. Huile sur toile. 27 x 21 cm.