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Ça raconte quoi ?

Questionnements sur l’urbanité, la place du corps dans l’espace et, par extension, dans la ville. Une exploration de ces thèmes très actuels par des artistes de tous horizons en différents formats et diverses techniques.

— Éditeur : Le Crédac, Ivry-sur-Seine
— Année : 2003
— Format : 23 x 17 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : non paginé
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-914836-03-1
— Prix : non précisé

Où il n’est pas tout à fait question de la ville
par Delphine Maurant (extraits)

L’ensemble des œuvres réunies sous le titre espiègle « ça raconte quoi ? » ont ceci de commun qu’elles partent de la ville sans la nommer ; d’une certaine façon de la représenter — en morcelé, en pointillé, en creux… comme d’une évidence, sans se poser la question de sa légitimité.
Partons donc de la « méthode » Pérec : « Nous ne pourrons jamais expliquer ou justifier la ville. La ville est là. Elle est notre espace et nous n’en avons pas d’autres. » [Georges Pérec, Espèces d’espaces, Galilée, p. 85]
Au-delà du débat de société qu’elle peut susciter ou du sujet de recherche qu’elle peut constituer, il s’agit plutôt ici d’observer comment les travaux de Botto et Bruno, Stelvio Gambetti, Catherine Melin, Koka Ramishvili et Katrin Roeber envisagent la rencontre physique entre l’espace urbain et ses habitants. Chacune des œuvres en effet rapporte toute la difficulté pour un corps à trouver sa place dans un espace et à s’y mouvoir.
Pour la plupart des artistes de l’exposition, cette question rejoint celle — parmi les plus importantes de l’histoire de l’art depuis la Renaissance — de la place de la figure dans le tableau. La remise en cause de l’existence de Dieu a donné à l’Homme la responsabilité de la gestion de son propre espace; à lui d’organiser un monde désormais laissé entre ses mains et de le représenter du point de vue imposé par la perspective linéaire.
Chercher la place du personnage sur la toile, recomposer des territoires en images numériques, donner une forme à l’expérience physique de l’espace, c’est encore et toujours tenter de se situer au monde.

Pour les œuvres comme pour les artistes, il est des expositions, parfois, comme des familles : on est de la même, et pourtant, rien ne semble nous relier.
Les artistes réunis pour « ça raconte quoi ? » vivent à Turin, Bologne, Genève, Roubaix, Dusseldörf et ont en commun une certaine façon d’observer le monde : du point de vue du dehors. Les sujets sont issus de scènes de rue photographiées ou d’images de journaux collectées. L’ensemble des documents est ensuite accumulé dans l’atelier, découpé en fragments, retravaillé et ré-assemblé jusqu’à faire Å“uvre de fiction. Une fiction qui tiendrait de la distopie (antithèse de l’utopie) dans le travail de Botto et Bruno. Franco Borsi donne une définition de cette notion dont trois, au moins, des composantes nous intéressent : l’isolement et l’autarcie versus la communication (…), Ia marginalisation l’uniformité obsessionnelle de Ia planification spatiale et des comportements individuels (…). [Franco Borsi, Architecture et Utopie, Hazan, 1997, p.18]

Au-delà du problème posé de la figure dans le tableau, « ça raconte quoi ? » met en question le corps de l’œuvre dans l’espace d’exposition. C’est que chacun des travaux porte en lui ses propres possibilités d’accrochage : les fragments et leurs propres interstices (Ramishvili), le panneau d’isorel du tableau et son cadre fabriqués par l’artiste même (Gambetti), Le choix du triptyque (Roeber), le photomontage imprimé vutek sur PVC, tel un papier peint (Botto et Bruno).

(Texte publié avec l’aimable autorisation de Delphine Maurant et des éditions du Crédac)

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