ART | EXPO

Bungalow Royal

01 Fév - 23 Mar 2013
Vernissage le 31 Jan 2013

Briac Leprêtre travaille ses sculptures comme ses aquarelles avec une économie de matériau qui transpose la banalité de notre quotidien en une esthétique précise et décalée. Le réalisme de ses installations, leur mise en scène, nous déroutent et instaurent un malaise diffus.

Briac Leprêtre
Bungalow Royal

Les objets de Briac Leprêtre trouvent leur origine dans le détournement de leur fonction. Il produit des séries d’aquarelles représentant des scènes banales qui prennent une tournure inquiétante bien qu’elles nous paraissent familières. Dans son travail de sculpture, il recrée des motifs et éléments architecturaux à travers différents matériaux comme le plâtre ou le béton.

«Pendant ce temps, je travaillais à faire de cette grotte un lieu assez spacieux pour m’en servir de magasin ou d’entrepôt, de cuisine, de salle à manger et de cellier; quant à mon logement, c’était ma tente, hormis à certaines périodes de la saison humide, où il pleuvait si fort que je n’arrivais pas à rester au sec, ce qui me poussa par la suite à couvrir tout mon enclos de longues perches en forme de poutre que je calai contre le rocher et garnis de jonc ou de grandes feuilles d’arbre en guise de chaume.» (Daniel Defoe, Robinson Crusoé)

Le Bungalow royal a été spécialement conçu pour répondre aux exigences de confort des aventuriers assumant leurs instincts sédentaires. Le prototype hutte® et la version caverne, hissés sur leur présentoirs à une hauteur suspecte, se narguent à coup de velux et de portes vitrées à faire pâlir le plus pointu des modélistes.

Vue d’ici, cette joute de voisinage semble autrement plus trépidante qu’un débat ontologique s’évertuant à départager la sculpture de la maquette d’architecture. Gîtes fantasmés par le voyageur avide de grand air conditionné –celui qui se contente du dépaysement offert en classe économique pour s’épargner l’effort des vacances – ces objets s’érigent fièrement comme emblèmes d’un authentique désir d’ailleurs pantouflard, une rêverie pittoresque qui trouve l’inspiration chez Leroy Merlin.

Si vous y croisez de probables ziggurats en béton, prenez garde à ce que vos hypothèses esthétiques ne tombent comme un trousseau de clés dans ce qui semble bien représenter un grille d’évacuation, là où la délectation formelle d’un volume minimal comme l’évocation du génie bâtisseur d’une civilisation précolombienne sont prises au dépourvu par une descente de garage.

Pour une exposition personnelle, la malice de Briac Leprëtre consiste à faire passer la transposition de la sculpture au bas relief, de la narration au motif décoratif –ou encore l’infatigable discours sur la différence et la répétition – pour une citation du style pavillonnaire et des grandes heures de la statuaire de portail.

Force est de reconnaître que les formes n’ont que faire de leur prétexte ni de leur nature. Même si cet ustensile oblong associé à ce proto-bodybaord peut aussi tromper son monde en feignant une origine énigmatique –dans un instrument de musique océanien ou un sport extraterrestre– avant de dévoiler son référent par la présence importune d’une plante verte, il se flatte avant tout d’une impeccable finition.

Ces différents objets sont-ils les figurants recevables d’une histoire tirée par les cheveux, ils affirment sans cesse qu’un simple changement d’échelle ou une permutation de matériaux – une poétique qui tiendrait de l’oxymore – suffisent à justifier un geste créateur, si la main en est convaincue.

C’est son travail qui partout saute aux yeux mais fait systématiquement disparaître sa trace, selon la loi de la virtuosité également appliquée au pinceau ou à la bétonneuse, car tout ici est insolemment délicat.

Seule la pudeur pourrait alors dédouaner l’impertinence de cette unique apparition du geste créateur dans un acte incendiaire, encore un détail furtif qui extermine l’emphase dramatique et l’aspiration romantique de l’image filmique en révélant l’échelle du décor et la gratuité du jeu.

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