Buisson ardent est le titre de l’exposition de Rebecca Horn. C’est aussi le titre d’une arborescence cuivrée qui rappelle celle de l’année passée, Les Ombres des soupirs, installation également montrée à la galerie de France. A partir de cylindres au sol, des tiges de cuivre rouge, sinueuses et légères, s’élançaient dans l’espace de la galerie et se terminaient chacune par un entonnoir d’où émanait un murmure de voix plurielles. Cette œuvre entrait en résonance avec une sculpture mécanique intitulée Les Liaisons dangereuses, cage de verre faisant intervenir le roman épistolaire de Choderlos de Laclos. Avec Rebecca Horn, les œuvres d’une même exposition se parlent.
Cette fois-ci, l’arborescence prend racine dans une armature en laiton à partir de laquelle s’élève une frise de pistons. Grâce à un moteur relié au mécanisme, chaque piston monte ou descend, quelques secondes seulement, provoquant le mouvement discret d’une tige de cuivre au sein de l’ensemble, comme un tremblement à peine perceptible du grand « buisson ». Les longues et fines tiges se terminent en pointes dressées vers le ciel. Le raccord de deux segments d’une tige est assuré par une vis de métal argenté, comme une fleur ou une étincelle. On retrouve les entonnoirs de verre contenant des cendres, comme une énergie vitale de l’incandescence. Même si elle fait référence au texte biblique — Dieu apparaissant à Moïse au milieu d’un buisson qui brûle sans se consumer —, l’œuvre de Rebecca Horn, réalisée avant son départ pour l’Ouzbékistan, ne s’inscrit dans aucun champ religieux particulier. Elle relève de cette cosmogonie propre à Rebecca Horn, syncrétisme d’une vision du monde qui mêle tous les Orients. Par la circulation d’une énergie latente dont on voit et entend quelques bribes, entre flammes et épines, ce Buisson ardent questionne la foi, le réchauffement et ses brûlures.
El Calvario, sculpture mécanique, traite également du buisson d’épines avec deux branches de rosier enfermées dans une cage de verre. Des mèches d’or sont peintes sur les parois et les rameaux aux épines parfois dorées ne révèlent qu’un léger mouvement de montée et descente, « révélation sensuelle de l’incorporel / dans la quadrature du cercle ».
Issues du séjour à Samarkand, des photographies en couleur sont exposées mais réunies aussi dans un livre d’artiste, Notebook Samarkand. Vues imbriquées selon des orientations différentes, ces photographies créent un jeu de transparences et d’opacités où les coupoles bleues célestes voisinent avec des zones troubles, où la calligraphie se mêle au corps humain, le tout étant porté à l’élévation par des mèches dorées au pinceau. Dans les architectures indécises, des flammes de peinture de couleurs bleue, noire et ocre engendrent un tournoiement, comme un déplacement d’air et de lumière autour des êtres. Des épines dans la lune arabique ou comment « démêler le douloureux réseau du cœur / enrouler des fils d’or à travers la tête / sur des fuseaux de nuages ».
— Buisson ardent, 2001. Installation, cuivre, verre, charbon, laiton. Environ 250 x 300 x 200 cm.
— Des épines dans la lune arabique. Photographies couleur.
— El calvario. Sculpture mécanique, verre, laiton, branches de rosier, peinture dorée. Environ 150 x 100 x 30 cm, 2001.