Jonathan Vandenheuvel
Bruxelles / Quartiers de l’Europe
Pour l’installation photographique «Bruxelles / Quartiers de l’Europe», Jonathan Vandenheuvel travaille en adéquation avec l’aspect brut de l’espace29, ici point de transformations ni de faux-semblants, il nous livre un espace découpé et dépouillé. Non content d’investir les murs, il envahit également le sol de l’espace29 en jouant avec la (non)matérialité du support photographique à travers une série d’installations inspirée de son travail d’imprimeur.
Vous ne trouverez ni ailleurs, ni exotisme dans le travail de l’auteur car pour lui la photographie ne représente qu’elle-même. Cette mise en abyme qui peut être perçue comme une ironie nécessaire, un rempart contre la mélancolie.
Dans la série «Quartiers de l’Europe», quartiers des institutions, Jonathan Vandenheuvel joue avec l’éclairage public nocturne qu’il investit d’un rôle majeur. Il ordonne les espaces désertés de toute présence humaine, il les hiérarchise de telle sorte que les lumières brûlent et les obscurités bouchent. Les bords sont à l’intérieur et créent des perspectives ne donnant que sur un fond qui «fait figure opaque au regard aveugle». L’artiste choisit d’omettre la fonctionnalité des bâtiments pour en révéler l’aspect monumental.
Philippe Lacadée écrit dans Robert Walser, le promeneur ironique. Enseignements psychanalytiques de l’écriture d’un roman du réel, à propos de l’écrivain Robert Walser: «La promenade est pour Walser une suppléance qui capitonne son existence à ce temps d’écoute». Et c’est cet égarement dans la marche qui laisse place à une disponibilité du regard, au même titre que l’écoute chez Walser, à ce qui s’ouvre autour de lui que l’on retrouve dans le travail de Jonathan Vandenheuvel. S’impose alors un intervalle dans ce défilement, comme un pli qui littéralement arrête le regard et ménage une pause qui permet de créer un temps, celui de la prise de vue.
De cet état de dépassement dans lequel le plonge ses longues marches, l’artiste y puise l’inspiration nécessaire pour tenter l’expérience photographique. C’est ce travail à la recherche de l’épure que Jonathan Vandenheuvel nous soumet comme il l’écrit en mai 2012: «A écrire sur les photographies, je me prends souvent à les recouvrir. C’est ce que fait l’image du prétendu réel: le représenter. Recouvrir consiste à cacher, dissimuler. Or les photographies ne montrent qu’un cadre, ne montrent que leurs limites. Ce cadre permet une mise à distance afin que l’objet se défasse et que les bords apparaissent. Le modus operandi de mon travail consiste en une expérience de la marche. A parcourir des espaces désertés, jusqu’à épuiser le paysage en même temps que le corps, c’est-à -dire à épuiser le signe jusqu’à parvenir à un sentiment de silence intérieur.»
Diplômé en histoire de l’art de l’Université Libre de Bruxelles et en photographie et vidéographie de l’École de Recherche Graphique de Bruxelles en 2005, Jonathan Vandenheuvel s’intéresse rapidement au «style documentaire», à Walker Evans, l’école de Düsseldorf, Thomas Struth ainsi qu’aux nouveaux topographes américains Lewis Baltz et Stephen Shore. S’intéressant aux espaces périurbains, il parcourt sa ville natale, Bruxelles, se contraignant à situer son point de vue aux berges du canal, gardant une continuité dans le parcours et évitant l’errance et travaille également dans le quartier européen.