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Bruno Perramant : Sun II

Des peintures aux tonalités mates, comme inachevées, où l’on retrouve unité de lieu et mise en scène appuyée. Une dimension théâtrale pour des toiles au découpage cinématographique, qui, dans leur scénographie, mêlent trivialité et expressivité des corps.

— Éditeurs : Frac Auvergne, Clermont-Ferrand / Frac Alsace, Sélestat
— Année : 2003
— Format : 30 x 24 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : non paginé
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-913323-53-7
— Prix : 25 €

Où il contemple le négatif en face
par Jean-Charles Vergne (extrait)

Cross-over

Les Å“uvres de Bruno Perramant, qu’elles soient conçues isolément ou en polyptyques jouent, pourrait-on dire, sur plusieurs tableaux à la fois et proposent un éventail de sens très largement ouvert en même temps qu’une multiplicité de possibilités sémantiques et symboliques. C’est dans un tel champ de possibilités qu’il faut appréhender et comprendre ses Å“uvres et les aspects qui les caractérisent : montage de qualité cinématographique des ensembles de peintures, interférences temporelles, parasitages géographiques, mixage des genres…

La question essentielle, au sein de ce cross-over généralisé, semble être celle de la figurabilité, c’est-à-dire de la réflexion duale concernant tout autant les figures du visible et celles du discours, l’image et le langage. Des phrases peintes sur la partie inférieure de certaines œuvres s’entrechoquent parfois avec les images représentées, à l’instar d’un sous-titrage de film erratique ou d’un télétexte incohérent. Des peintures s’agencent en ensembles, souvent importants dans le nombre d’éléments dont ils sont constitués, intimant à une lecture narrative sans cesse perturbée — soit parce que les éléments du polyptyque ne semblent pas avoir de lien a priori — soit parce que l’ensemble donne le sentiment d’une collision de narrations simultanées.

La peinture elle-même participe de cette hybridation globale. Elle use tout autant de teintes terreuses, et parfois légèrement surannées, que de gammes chromatiques iridescentes évoquant davantage l’univers de la vidéo et de ses avatars picturaux. Les aplats lissés jouxtent les jus, le trait quasi chirurgical côtoie la coulure, l’abstraction frise la figuration et inversement.

L’erreur, cependant, serait d’imaginer que ce brassage puisse être l’illustration d’une pensée cherchant à s’inscrire dans une pure hétérogénéité formelle, déployant l’inventaire des styles, tics et astuces de la peinture contemporaine. Il faut plutôt percevoir cette œuvre — j’y reviendrai plus loin — comme une manière de dire que les genres n’existent pas, que rien n’est limpide, que toute réalité est la manifestation de concrétions disparates, d’agencements improbables, d’agglutinations troubles. Le temps et l’espace eux-mêmes sont déroulés selon une logique qui n’est pas celle de la linéarité ni de la vraisemblance. Au contraire, ils font l’objet de compressions et de délitements successifs ; ils ne se mesurent pas rationnellement ou mathématiquement car Bruno Perramant leur insuffle un vacillement permanent : le temps et l’espace sont travaillés selon un processus qui m’évoque souvent celui de certains logiciels de traitement du son permettant les manipulations temporelles (la fonction « time compress/expand » du logiciel Soundforge par exemple) et l’agencement d’espaces contradictoires.

En somme, cette réalité, issue du mixage permanent entre le vécu et le su, entre l’objectivité et le parti pris des images, entre l’Histoire et les histoires est une manière très sincère de dire que le monde n’existe que de cette façon.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions du Frac Auvergne)

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