Avec Bless – ainsi soit-IL, le chorégraphe Bruno Bouché livre un duo concis et intense. Danseur, puis chorégraphe, Bruno Bouché est actuellement directeur artistique du Ballet de l’Opéra national du Rhin (Mulhouse). Crée en 2010 au Suzanne Dellal Theater de Tel Aviv, Bless – ainsi soit-IL, prend les traits d’une lutte. Celle, décrite dans la Bible (Genèse), de Jacob avec l’Ange. Bruno Bouché en fait ici un corps à corps chorégraphique, porté par la musique de Johann Sebastian Bach. À savoir la transcription pour piano de la chaconne de la Partita no 2 en ré mineur, par Ferrucio Busoni (vers 1893). Duo à la violence articulée en danse, Bless – ainsi soit-IL a pour point d’origine l’Å“uvre d’Eugène Delacroix, peinte sur les murs de l’église Saint-Sulpice, à Paris. À son propos, Bruno Bouché demande : « Faut-il voir dans cette lutte une allégorie du combat de l’homme face aux forces qui le dépassent ? »
Bless – ainsi soit-IL de Bruno Bouché : un pas de deux entre Jacob et l’Ange
Peintre romantique, Eugène Delacroix a donné à La Lutte de Jacob avec l’Ange une coloration désespérément passionnée. Éperdument chorégraphique. Sur le flanc de l’église Saint-Sulpice, un buste du dramaturge August Strindberg porte l’inscription « J’entre souvent dans l’église pour me fortifier à la contemplation de La Lutte de Jacob avec l’Ange d’Eugène Delacroix. Et en sortant je garde le souvenir du lutteur qui se tient debout en dépit de sa hanche démise. » Extase au masculin, les corps se cherchent, s’éprouvent, se perdent. Une douloureuse sensualité pour une blessure intime, qui se retrouve à l’œuvre dans Bless – ainsi soit-IL. Mais avec une retenue proche d’une forme d’Expressionnisme allemand : tout en contrastes anguleux et nets. Avec, parfois, le brouillage des rôles. Qui portent qui ? Qui éprouve qui ? Ou quoi ? Duo sculptural, c’est une version plein air que livrera ici Bruno Bouché.
Pour la soirée d’ouverture de Pole-Sud CDCN, le ballet contemporain prend l’air
Huit ans après sa première, Bruno Bouché réactualise Bless – ainsi soit-IL pour en livrer une version extérieure. Une gageure que de faire sortir la danse de ballet, même contemporain, des espaces habituels. Plus que protecteurs, les espaces clos permettent la rigueur (acoustique, corporelle) du ballet. Surfaces maitrisées, sonorisation contrôlée : la danse classique (et néoclassique) repose sur l’excellence. Et l’excellence s’ancre dans la maîtrise absolue. Ou pas. C’est bien ce que Bruno Bouché mettra à l’épreuve en faisant prendre l’air à sa pièce Bless – ainsi soit-IL. Dans une soirée partagée avec la pièce Pour en découdre (2014), des chorégraphes Damien Briançon et Étienne Fanteguzzi. Un trio vif et autoréflexif, passant au crible son propre processus de fabrication. Le tout formant ainsi la piquante soirée d’ouverture de saison de Pole-Sud CDCN (Centre de Développement Chorégraphique National), à Strasbourg. Deux pièces, deux pôles, pour une nouvelle saison rythmée.