ART | EXPO

Broderies sur tissus

08 Sep - 10 Oct 2009
Vernissage le 08 Sep 2009

Obsessionnels et fusionnels, Léo & Daniel brodent minutieusement des pièces de tissus hautes en couleurs et en motifs. Toutes les inspirations sont bonnes à leurs travaux d’aiguilles: Madonna, l’art guatémaltèque, les ponchos argentins, les estampes japonaises, les magazines porno gay, etc.

Communiqué de presse
Léo & Daniel
Broderies sur tissus

Leo Chiachio et Daniel Giannone : un couple d’artistes argentins explosif et atypique. S’il fallait leur imaginer une filiation, ils pourraient être les enfants improbables de Gilbert et George, croisés avec Pierre et Gilles, dont les aïeux seraient Diego Rivera et Frida Kahlo.

Chiachio et Giannone tiennent du duo anglais cette manière de se mettre en scène dans une iconographie incarnée, et du couple français, ce sens du baroque et de l’esthétique populaire.

Ces artistes venus de Buenos-Aires ont acquis une grande notoriété en Amérique du Sud et leurs oeuvres brodées ont reçu de nombreux prix. Ces créations, extrêmement sophistiquées et délicates, sont à la fois ancrées dans des pratiques ancestrales et domestiques et, par leur manière sarcastique et kitsch de raconter leur vie, étonnement contemporaines.

Depuis leur rencontre une nuit de 2001, Leo et Daniel ne se sont plus quittés. A l’instar du mythe d’Aristophane, chacun a trouvé en l’autre sa moitié originelle, à tel point qu’ils considèrent leur vie d’avant cette rencontre comme étrangère, comme si leur réelle naissance datait de ce soir-là, il y a huit ans. Leur couple, fusionnel et gémellaire, forme une unité créative, un tout un et unique, une communion puissante qui nourrit leur art entre quotidien et fantaisie absolue.

Impossible, sitôt qu’on s’approche du travail de Chiachio et Giannone, de ne pas être saisi par l’époustouflante richesse de leurs tableaux brodés, l’extraordinaire profusion de points et de motifs, la complexité des compositions, le raffinement des fils de coton et de soie multicolores, la diversité des textures, à laquelle s’ajoutent pompons, applications de tissu, incrustations… le tout dans une opulence et un souci du détail extrême.

Obsessionnels, ils brodent minutieusement chaque après-midi, de 14h à 21h, tous les deux penchés sur la même pièce de tissu, en écoutant à la radio les telenovelas, partie intégrante de la culture populaire sudaméricaine, dont les histoires à l’eau de rose imprègnent de kitsch leur travail. «Il arrive un moment où tout ce qu’il y a autour disparait», raconte Leo Chiachio, et il ne reste plus que l’aiguille, le fil, Daniel, la radio en fond sonore, durant des heures. Une sorte de prière, un rituel ordonné, un sacrifice joyeux.

Sous leurs doigts naissent alors petit à petit les plus somptueuses broderies, contrastant avec la simplicité rude de leur support, des pièces de coton, glanées sur les marchés du monde, récupérées, souvent de simples mouchoirs de toile brute, comme celles, bon marché, présentées à la School Gallery, utilisées par les classes sociales les plus pauvres et les plus laborieuses.

Dans cette réminiscence d’Arte Povera, la toile devient le miroir de leurs fantasmes, de leurs jeux, de leur vie ensemble. Car Chiachio et Giannone, d’une certaine manière, ont huit ans. L’âge des jeux de rôle et de la comédie. Ils se mettent en scène dans leurs tableaux brodés comme dans des jeux d’enfants : on dirait qu’on serait samouraï, indien guaraní, tigre ou panthère, empereur ou encore on s’amuserait à être El Pombero, l’esprit de la malice.

Si le jeu est moteur dans leur travail croisé, il apparaît, au-delà de ces enfantillages, une volonté de dissoudre les frontières entre «Arts majeurs» et «Arts mineurs». Héritiers d’Arts & Crafts, ils mixent les genres, les époques, les histoires, entre art et artisanat, culture et culture populaire, mythes et réalité contemporaine, futilité de la mode et sérieux de l’engagement politique.

Toutes les inspirations sont bonnes à leurs travaux d’aiguilles, qui sont pour eux autant de joyeuses fantaisies, d’une totale liberté. On y trouve pêlemêle, sans hiérarchie des genres et de manière aléatoire : Madonna, Rufus Wainwright, John Galliano, Grace Jones, l’art guatémaltèque, les ponchos argentins, les estampes japonaises, la vie domestique, les déesses brahmanes, le théâtre Kabuki, les magazines porno gay, Farah Fawcett, la queer culture, Mishima, les soap operas brésiliens, les B-movies, les gossip magazines, American Idol, Vivienne Westwood, Pasolini, Kitano, Bruce LaBruce ou Hiroshige…Toutes les fantaisies sont possibles, rien n’est interdit.

Ce métissage extrême, expliquent les deux artistes, est l’essence même de Buenos Aires, une ville cosmopolite, où se rencontrent des gens et des cultures du monde entier. Ainsi peut-on dire que leur travail parle de chez eux, de Buenos Aires, de l’Amérique du Sud, comme un témoignage de la créolisation du monde, de la réalité contemporaine du «tout-monde», pour reprendre l’expression d’Edouard Glissant.

A la différence de leurs aînés britanniques, et à l’ère du numérique et de la haute technologie appliquée à l’art, Chiachio et Giannone ont choisi les techniques les plus artisanales, la broderie, la céramique, qui demandent un travail manuel, concret, et de la lenteur, de la persévérance.

Peintres de formation, ils ont su transposer leur sens de l’image dans le langage de la broderie, activité marginale, à plus d’un titre. La broderie, c’est d’abord cette activité habituellement dévolue aux femmes. Ainsi se rappellent-ils la légende de la reine Mathilde brodant la tapisserie de Bayeux, relatant l’histoire de son époque, ses guerres ses batailles. Ils pensent aussi aux femmes de la région de Mendoza qui brodèrent les drapeaux aux armes du général José de San Martín, qui libéra l’Argentine du joug espagnol au XVIIIe siècle.

Ce sont d’autres batailles que racontent parfois, entre imagerie kitsch et glitter, les broderies de Chiachio et Giannone: dans une sorte de «militantisme de l’aiguille», ils narrent la difficulté d’imposer le raimbow flag dans des pays, dont l’Argentine fait partie, où l’homosexualité est encore taboue, et rendent hommage aux morts du Sida.

«Etre ouvertement et visiblement gays», disent-ils, «c’est s’affirmer acteurs du changement, et de l’Histoire.» Ainsi donc en se «soumettant» à cette pratique à la fois féminine et «archaïque» au regard des médiums artistiques contemporains, il choisissent une technique marginale comme un processus de réintégration, dans ce foisonnement de références et d’inspiration, de toutes les marges dans leur diversité culturelle, ethnique, sexuelle ou
sociale.

Le monde de Leo Chiachio et Daniel Giannone est un peu fou. Et le portrait de cette folie créatrice ne serait complet si on ne savait qu’en réalité, il existe un troisième membre à ce couple déjà hors du commun. Leo et Daniel ont un fils, Piolín. «Dans nos oeuvres», expliquent-ils, «nous parlons de nous-mêmes, nous sommes toujours les uniques protagonistes.

Et dans nos vies, il y a Piolín. Nous sommes une famille.» Piolín est un mini daschung, fils-mascotte présent partout sur les toiles. Mais Piolín est plus qu’un animal de compagnie ou qu’un modèle. Piolín a un destin unique car il est devenu, en quelques années, un important collectionneur d’art.

Vernissage

Mardi 8 septembre 2009. 18h-21h.

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