Dans ses toiles les plus abstraites, aux motifs rayonnants quasi hypnotiques, à base de cercles concentriques aux contours irréguliers, l’analogie avec la musique — art pur s’il en est, idéal pour Mallarmé comme pour Picabia — est constamment signifiée par des notes, des partitions et divers autres signes.
On peut d’ailleurs penser au concept d’«orphisme» forgé par Apollinaire pour désigner le travail du peintre Robert Delaunay — «sans motif de nature», comme disait Paul Klee — et, bien sûr, à la technique des papiers découpés dont le maître reste sans conteste Matisse, lequel a pu donner forme à l’informe avec, vraiment, les moyens du bord.
Brian Belott se situe sur le mode mineur — celui de l’art appliqué et de l’art déco. La peinture ne se prend pas trop au sérieux. Le peintre non plus, d’ailleurs, et il l’a prouvé lors d’une performance, le soir du vernissage, le 28 mars dernier.
Ses livres originaux, aux pages épaisses, rigides, amidonnées comme des palimpsestes, peuvent tenir debout tous seuls. On en a une cinquantaine ici, simplement posés sur une longue table en bois, qui ne sont pas simplement des «scrapbooks« , des carnets de notes, d’esquisses ou de croquis, mais qui ont leur valeur propre.
Ses grands formats juxtaposent, et parfois superposent, des couches de différentes provenances, des signifiants contrastés, des matières hétérogènes et des textures assez disparates. Les tableaux prennent forme et sens pour peu qu’on les observe à une certaine distance. Ni de trop loin, ni de tout près. Faute de quoi, on peut s’égarer dans les méandres de l’auteur, les aléas la création, le punctum — au sens où l’entendait Roland Barthes dans son analyse de l’image photographique, mais également au sens musical du terme qui est employé dans la notation du chant grégorien.
Les yeux du matou qui observent le visiteur dès son entrée à la galerie rappellent ceux de la panthère Bagheera imaginée par Rudyard Kipling en 1884, vue et corrigée par Walt Disney et ses dessinateurs. Ils font la transition entre les structures non figuratives radiantes et les portraits de chats qui concluent majestueusement l’exposition.
Le dessin, tel qu’envisagé par Brian Belott, n’est pas vraiment un problème. Le peintre assume les maladresses de son trait — l’enfance de son art. Les BD aux teintes criardes, les mangas acides aux personnages exorbités, les cartoons aux bouches béantes sont à la fois les sources d’inspiration et les fondements techniques d’un art somme toute demeuré candide, ingénu, innocent.
L’exposition et la «performance» donnée par l’artiste le soir du vernissage ont rappelé que nous n’avons pas tout à fait quitté ce «Siècle du Jazz» qui est actuellement célébré au musée des Arts premiers.
Dans des improvisations post-lettristes, une poésie phonétique bercée de scat, un phrasé de rappeur, Brian Belott s’est livré pleinement, a offert un bref tour de chant, un «showcase» dévoilant ses racines véritables et l’état d’esprit dans lequel il est sans doute lorsqu’il peint. Le jeune garçon un peu poupin, au look almodovarien, au premier degré parfaitement endossé, au swing communicatif, en duo avec une charmante choriste, a abordé un répertoire qui va de Satchmo à The Voice — autrement dit Ol’ Blue Eye.
Brian Belott
— Performance à la galerie Zurcher, 2009.
— Untitled, 2008-2009, mixed technique on plexiglass, 68 x 111,5 cm
— Untitled, 2008-09, collage, 57 x 53 cm
— Books, books, books, 33 collage books on table