Corps, esprit, espace. Liberté, gravité, élasticité. Borderline, pièce aussi poétique que politique, se décline autour de trios axes très citoyens. Elle est invitée pour la troisième fois au Théâtre de la Ville pour une série de représentations. Ainsi distingués, Sébastien Ramirez et sa partenaire Honji Wang récoltent les fruits d’une recherche aussi innovatrice que fondamentale.
Lexicalement parlant, le terme de borderline désigne deux réalités différentes, selon qu’on y lit un nom ou un adjectif. Soit il désigne une ligne frontalière entre deux états, qu’ils soient psychiques ou nationaux. Soit il s’agit d’une instabilité mentale à haut risque. Et si le double sens n’était qu’apparent? In fine, la stabilité de nos sociétés dépend de l’équilibre psychique des individus, et inversement. Ce sont là des questions dont Eschyle et Sophocle traitaient dans leurs tragédies. Certes, le renvoi peut paraître audacieux.
La danse contemporaine, fut-elle d’ascendant hip hop, est-elle vraiment faite pour traiter d’affaires de la Polis? Et puis, justement! Témoignages à la clé, Honji Wang et Sébastien Ramirez épinglent les dénis de démocratie et l’absence d’espérance dans les classes populaires. Le couple se penche sur notre besoin d’affection publique et privée pour examiner fondements et réalités de la res publica à l’heure actuelle. Ce faisant, ils renouent avec la sagesse scénique des grecs d’il y a deux millénaires. Grâce aux gréeurs, la machinerie du Deus ex-machina, inventée dans l’Athènes qui fut le berceau de la démocratie, revient sur la scène contemporaine.
Borderline interroge les limites de notre imaginaire et de nos espaces de vie, et il fallait s’y attendre. Honji Wang et Sébastien Ramirez sont des migrants-nés, des identités composées ayant construit un couple et une compagnie de danse interculturels à l’assaut des checkpoints artistiques. Elle, Coréenne ayant grandi à Berlin, et lui, de parents espagnols, vivent aujourd’hui entre la France et l’Allemagne, en dansant sur toutes les frontières.