Borderland, une série de photographies prise lors d’un séjour à la campagne. Là où l’on s’attend à des décors champêtres, à des clichés composés de vaches, de champs verts et de fermiers nettement identifiables, Tania Mouraud donne à voir des surfaces opaques, évidées de toute figure reconnaissable. C’est que, regardant le paysage défiler derrière les vitres d’une voiture, elle a remarqué des meules emballées de plastic sur lesquelles se reflètent les formes environnantes.
En gros plan, au plus près des surfaces réfléchissantes que constitue chaque botte de foin, elle cadre une «toile» abstraite. Au gré des plis, du galbage ou des tensions du plastic, les photographies enregistrent de subtiles variations colorées: le blanc des nuages se prolonge dans le bleu du ciel, le vert des prairies se mêle au brun de la terre. Par moments, entièrement jaune ou vert, le plastic se transmue en sculpture de bronze.
Au regard de ces photographies, on pense inévitablement à Claude Monet et à ses bottes de foin. Dans les années 1890, cet impressionniste a peint des meules de paille orangées, bleutées ou brunes selon les allées et venues du soleil. Ses Å“uvres trouvent dans les données matérielles de la peinture — la couleur, la touche, la surface plane — les moyens suffisants pour accomplir leur but: la restitution de la lumière. Le sujet n’est plus qu’un prétexte pour produire des effets lumineux. De fait, Monet s’approche de l’abstraction sans jamais en franchir le cap.
En reprenant le motif de la botte de foin, Tania Mouraud actualise cette potentialité contenue par l’Impressionnisme. Car, si son regard est comme celui Monet «avant tout une attention à la lumière et à la texture», Borderland éradique toute figuration.
Avec I Have a Dream, Tania Mouraud transpose ce processus d’abstraction à l’écriture. Sur plusieurs feuilles blanches la célèbre phrase de Martin Luther King est inscrite en noir, chaque fois dans une langue différente. Étirées, juxtaposées les unes aux autres, les lettres deviennent insaisissables. Le sens des mots s’éclipse au profit de leurs formes à tel point que ces dernières se confondent avec le fond. Les bandes noires des lettres jouxtent les bandes immaculées de la feuille pour composer une image abstraite.
Enfin, Note Book, une vidéo diffusée sur un iPod, donne à voir et à entendre le journal de bord de Tania Mouraud. Plusieurs petits films, accompagnés de musiques audibles à partir d’un casque, font se succéder des plans mouvementés, heurtés ou ralentis de détritus et de lieux de vie. L’absence de narration joue en faveur de la qualité plastique des images et du caractère émotionnel, davantage que factuel, de ce journal de bord.
Å’uvres
Tania Mouraud, Borderland, 2008. Encres pigmentaires sur papier Fine Art. Dimensions variables.
Tania Mouraud, I Have a Dream, 2005. Diasec. 30 x 40 cm. Édition de 3.
Tania Mouraud, Note Book, 2006-2007. iPod Touch, lecteur vidéo, 28 vidéos. 1h 15.