Claudia Triozzi
Boomerang ou le retour à soi
Que nous montre donc Claudia Triozzi dans Boomerang ou le retour à soi lorsqu’elle diffuse sur scène les interviews d’un archéologue tentant de décrire une scène érotique ou d’une actrice italienne des années 1950 nous avouant “Ho detto molti “no” (J’ai dit beaucoup de “non”)” par amour? Quelle histoire nous est transmise? Celle que ces personnes verbalisent ou celle qu’elles ne disent pas? L’artiste nous raconte-t-elle une certaine histoire de la naissance du langage et de la sexualité? Ou encore de la performance, elle qui déclare, en ouverture de cette nouvelle pièce, “donner son corps à l’art” comme d’autres le donneraient à la science? De ces conventions théâtrales, elle s’attache à souligner, depuis plus de trente ans, les artifices. Claudia Triozzi chante Caprice. “Une scène de dupe trop longtemps fantasmée, un caprice, une agonie…”. Ainsi se réalise un retour d’expérience où la façon de s’engager surprend le visage comme un effet de boomerang. “L’autobiographie mélange les genres, les voix, les naissances, les âges. La question révèle ses sens, et ouvre des possibles. Interpréter encore “là”, où l’on pose la limite de ce que l’on est, où la réponse ne pourra être une affirmation. Une scène s’ouvre à soi, inattendue.” (Claudia Triozzi)
Claudia Triozzi est de ces chorégraphes pour qui le corps doit excéder les limites de la chorégraphie. Venue en droite ligne de la «non danse», ce geste valeureux qui clôtura l’ère des pas de deux codifiés, elle ouvre le plateau à l’autre et l’insolite. Un boucher et un tailleur de pierre traversaient sa précédente création Pour une thèse vivante. Chez elle, la machinerie spectacle est en vrac mais elle est au complet. Elle part des cordes vocales, passe par un cerveau penseur à toute heure, redescend dans les pieds qui arpentent le sol, se pose quelque part entre art plastique, musique et théâtre. Un kit hétéroclite à l’intérieur duquel déambule cette curieuse interprète qui ne dissocie jamais le plaisir de la chair vivante sous nos yeux du désir de comprendre et faire comprendre ce qui a été, est, et sera. Boomerang ou le retour à soi est une introspection qui ne dit pas son nom.
Dans cette performance, Claudia Triozzi revient aux sources, s’approprie à l’italienne le buto japonais, diffuse les interviews de ses icones personnelles et rythme ses déambulations par l’émission de souffles «pathologiques». Son but est clair: “Je veux penser un corps qui parcourt la scène, un corps traversé par une histoire du théâtre, par une cadence du rythme dansé, par une mémoire visuelle et par le chant.”