Plusieurs événements défraient en ce moment les chroniques de la commande publique française. Les uns heureux, les autres malheureux.
Une sculpture de l’artiste contemporain Franck Scurti a été inaugurée par la Ville de Paris le 10 janvier 2011 sur le terre-plein du Boulevard de Clichy, à l’emplacement d’une ancienne statue de Charles Fourier. Fondue sous l’Occupation, il n’en restait plus que le socle, classé monument historique. L’artiste a souhaité rendre hommage au célèbre philosophe français du XIXe siècle. Le nouveau monument est composé de deux parties. Le socle d’origine a été conservé pour être mis en valeur, au moyen d’une vitrine colorée. Sur celui-ci, siège une pomme, brillante et monumentale. Moulée en inox, elle atteint les deux mètres de diamètre. Sur sa surface réfléchissante, est gravée l’image d’un planisphère.
La pomme de Charles Fourier est devenue le symbole de sa pensée. A l’origine, une anecdote: alors qu’il dîne dans un grand restaurant parisien, le philosophe s’indigne du prix d’une pomme, cent fois plus chère à Paris qu’à Rouen… Cette constatation l’amène à la critique des intermédiaires commerciaux et à concevoir un modèle économique et social utopique, ennemi de la spéculation: le phalanstère.
L’œuvre de Franck Scurti s’intitule La Quatrième Pomme, en référence à la fameuse citation de Charles Fourier: «J’ai remarqué qu’on pouvait compter sur quatre pommes célèbres. Deux par les désastres qu’elles ont causés — celle qu’Eve offrit à Adam et celle que Pâris offrit à Vénus — et deux par les services rendus à la science — celle de Newton et la mienne»!
Cette commande publique aura eu trois bienfaits: la renaissance d’un monument public saccagé, l’hommage à un grand homme et l’émulation d’une démarche artistique contemporaine. Celle de Franck Scurti n’a en effet rien d’emprunté: le sujet de la commande s’inscrit parfaitement dans sa pratique personnelle, caractérisée par le remploi de symboles et le questionnement des valeurs marchandes. Après deux autres œuvres consacrées à ce thème, il signe ici une œuvre aboutie.
En parallèle de cette opération réussie, une fâcheuse nouvelle a été annoncée: le vol d’une statue en bronze, d’un poids de quatre tonnes et d’une hauteur de quatre mètres, propriété de la Direction interdépartementale des routes d’Ile-de-France, située à la jonction de l’A6 et de l’A104 à Evry. Intitulée symboliquement La Francilienne (1991), elle représente une femme qui marche, un chapeau sur la tête et un sac à la main. Elle est l’œuvre d’Alex Garcia, un artiste qui vit dans l’Essonne, habitué des commandes publiques. C’est la seconde fois que cette statue est attaquée, le sac à main ayant été dérobé en 2006 puis remplacé par une copie. Cette fois, elle a été sciée au niveau des chevilles et emportée dans sa totalité. La police privilégie la piste des voleurs de métaux.
Enfin, plusieurs projets publics suscitent de vives polémiques et sont ralentis par l’opposition de riverains soucieux de défendre leur site. L’un d’entre eux est celui de La Femme Loire, une sculpture monumentale de Michel Audiard. Elle devrait être installée en Touraine, à proximité de l’abbaye de Marmoutier, site classé au patrimoine mondial de l’Unesco. La statue de taille imposante (17 mètres de hauteur sur 40 mètres de long) représente une femme nue allongée. Sous ses jambes, un espace vitré serait destiné à présenter des expositions et des spectacles. Mais un certain nombre ne voit pas d’un bon œil la cohabitation de cette œuvre contemporaine avec le site historique. Un comité a demandé le déplacement de la sculpture et recueilli plus de 4000 signatures. Le projet a pourtant reçu l’aval d’un architecte des Bâtiments de France.
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— L’interview de Franck Scurti