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Body Parts

PGéraldine Selin
@12 Jan 2008

Coplans travaille depuis longtemps avec son corps. Mais, si c’est bien son corps qui est photographié, ce n’est pas son corps qui est montré. C’est un certain corps.

John Coplans présente ses dernières photographies à la galerie Anne de Villepoix sous le titre de «Body Parts». Des morceaux de corps qui font l’objet de curieux montages. Des bouts de bras, des bouts de jambes, disposés en deux panneaux qui font corps.

Dans ce travail, l’artiste fut secondé par Bradford Robotham. La série des «Self-Portraits» commencée en 1954 avait déjà été réalisée avec l’aide d’un assistant. Coplans visualisait les poses grâce à une caméra vidéo reliée à un moniteur TV. La perte de la vue lui imposa de travailler autrement. Il donne à présent une série d’indications à son assistant aussi bien pendant la prise de vue (échelle, position du corps dans l’espace, ombres), que pour le développement. L’élaboration d’une photographie passe ainsi par la discussion. Mais surtout le photographe a pris conscience que «nous ne voyons pas réellement une image avec nos yeux mais que nous la percevons avec notre esprit» (Coplans, 2002).

Même si Coplans lui-même mentionne à propos de cette série une réaction inconsciente à l’attentat du World Trade Center, les portions de corps photographiées sont autre chose que le reflet de l’événement qui s’est déroulé le 11 septembre 2001 à Manhattan. Parce qu’une œuvre d’art n’est pas là pour rendre compte, une œuvre d’art n’est pas le témoin du monde.

Coplans travaille depuis longtemps avec le corps, avec son corps. Mais, si c’est bien son corps qui est photographié, ce n’est pas son corps qui est montré. C’est un certain corps. Un corps de vieux qui interroge la vision du corps loin des canons esthétiques, un corps qui ouvre sa chair en surface, qui offre sa chair en laque, qui expérimente ce que peut un corps. Un travail qui demande à la photographie comment inventer un corps artistique. « Un corps de travail » (A Body of Work, titre de l’exposition de 1988 au Musée d’Art moderne de San Francisco). Un corps qui tient ensemble le corps et l’esprit, un corps pris dans les questions du langage et de la perception, un corps qui envisage les différences entre un voir et un nommer. Coplans oppose en effet la vision à la nomination comme ce qui relève de la perception à ce qui relèverait du linguistique. Par les termes de «langage» ou de «linguistique», il désigne le domaine du signe en tant qu’élément connu, répertorié, appartenant à une codification. Il entend décrire le corps pour lui-même, non rattaché à un corpus symbolique préétabli. Voir consiste pour l’artiste à travailler «de l’intérieur du procès de la vision, non de l’extérieur » (John Coplans, A Body, conversation avec Jean-François Chevrier, déc. 1989).

Coplans établit aussi l’équivalence du domaine linguistique et de toute forme de narration. La vision d’esprit, non celle de l’œil, ne serait pas narrative. C’est dans cette pensée de la vision qu’il faut situer la recherche de l’artiste d’un corps «sans mémoire». Il n’y a pas à retrouver quelque chose du corps. Il y a à parcourir un chemin vers un inconnu du corps. Par la vision donc, il ne s’agit pas de dire ce que je vois mais de «voir comment je vois» (Coplans, A Body).

John Coplans
Une vingtaine de photographies noir et blanc, titrées Body Parts et numérotées, 2002. 89 x 122 cm. 

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